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ANALYSE

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Nostradamus, entre géographie et histoire

par Jacques Halbronn

    Il existe, on s’en doute, plusieurs approches du corpus centurique, les unes privilégient les événements antérieurs aux années 1550, d’autres s’intéressent plutôt aux événements qui leur sont postérieurs, prophétisme oblige, d’autres encore voient dans la mention de noms de lieux un recopiage de quelque itinéraire ou atlas. Faire de Nostradamus un amateur de vieilles chroniques ou un passionné de géographie permet d’éluder la question de la dimension prophétique qu’il est censé avoir eu sinon de son vivant, du moins peu de temps après sa mort. Nous avons proposé, pour notre part, une solution permettant de résoudre ces contradictions, à savoir, suivant en cela le britannique Peter Lemesurier, le recours à des documents anciens constituant ainsi une sorte d’anthologie ainsi que la tentative de faire de Nostradamus lui-même son propre commentateur pour les événements survenus entre la date de composition des quatrains et sa propre mort (1566), commentaire supposé resté manuscrit dont le Janus Gallicus pourrait prétendre comporter certains éléments mais dont on ne saurait exclure qu’il accompagna la toute première édition, posthume, à six centuries, parue au début des années 1570. Par ailleurs, l’on abordera la façon dont l’Epître à Henri II s’articule sur le voyage de Nostradamus à la Cour et l’effet que l’on a voulu que cela eut sur la rédaction des Centuries.

Sommaire :

1 - L’Epître à Henri II et le voyage de Nostradamus
2 - Les quatrains ligériens et les événements de 1562
3 - Le relief de la production nostradamique


1

L’Epître à Henri II et le voyage de Nostradamus

    L’étude du corpus nostradamique est en soi déjà assez délicate pour ne pas en rajouter en essayant de résoudre prématurément le problème de savoir ce qui est ou non de Nostradamus voire de la date de tel ou tel texte. Il est deux cas, du moins, où cette affaire n’est pas déterminante : celui des sources identifiables et celui des prophéties accomplies.

   Mathieu Barrois a bien raison, dans son dernier article1 de ne pas citer le nom de Nostradamus : quand il écrit “Dans la Lettre à Henry, roy de France second, l’expression etc”, il parle d’un texte et non pas d’un auteur et même quand il emploie le mot “auteur”, il ne renvoie pas expressément à Michel de Nostredame. Et de vrai, pour les enjeux qui sont les siens, il importe assez peu, nous semble-t-il que le texte dont il traite et qui touche, selon lui, au XXe siècle date des années 1550 ou 1580. Il préfère donc, à juste titre, pour éviter tout débat ici inutile, parler de l’ “auteur de la Lettre à Henri II”. Il conviendrait que l’on suivît son exemple faute de quoi on donne l’impression de vouloir forcer les choses.

   Mathieu Barrois semble également plus prudent quand il reconnaît qu’un mot, aussi marqué et marquant fût-il, ne saurait désigner un seul et unique événement. A la limite, d’ailleurs, dire que l’holocauste commis par tel ou tel était dans les Centuries reviendrait à montrer que celui-ci avait de longue date sa raison d’être, ce qui nous semble assez effrayant. En réalité, il conviendrait de montrer à M. Barrois que le terme holocauste était fréquemment associé à celui d’Antéchrist, notamment au XVIe siècle. Le problème des prophéties concernant la fin des temps est qu’elles renvoient à des événements supposés se réaliser à une date indéterminée. A présent, si de tels événements apocalyptiques sont observés, on peut toujours dire que cela avait été annoncé; avec la Shoa, la réalité a dépassé la fiction ! Dans une précédente étude, sur Espace Nostradamus, nous avions signalé la présence dans l’Epître à Henri II, sous forme d’anagrammes, de Gog et Magog, termes que l’on trouve dans l’Apocalypse de Jean (à la fin du “Nouveau Testament”). Or, quand on lit dans l’Apocalypse, que l’Epître au Roi ne fait que reprendre - ce qui fait que si dimension prophétique il y a en la dite Epître, elle l’est du fait d’un emprunt - et qu’on nous parle de l’extermination du “tiers des hommes” (chapitre IX), on a bien affaire à un holocauste et nous signalerons à M. Barrois que la Shoa, aussi épouvantable fut-elle, n’a concerné somme toute qu’un très faible pourcentage de la population mondiale. Si demain, une guerre nucléaire a lieu, la Shoa semblera dérisoire - quantitativement sinon qualitativement - du fait du nombre de victimes, en comparaison en tant qu’ “holocauste”. Souhaitons que l’avenir ne nous donne pas l’occasion de prouver par l’Histoire le caractère quelque peu abusif de la lecture de M. Barrois ! Cela dit, il est possible que Hitler ait été inspiré voire légitimé, à ses yeux, par la lecture de l’Apocalypse. Il est donc bien regrettable que par manque de culture prophétique, on en arrive à attribuer à Nostradamus le “mérite” de l’annonce de certaines catastrophes. Tout ce qui figure dans un texte n’est pas ipso facto de l’auteur auquel il est attribué ; tout texte en vérité relève peu ou prou d’un certain plagiat, ce qui relativise sensiblement la notion d’auteur.

   Maintenant est-ce qu’il est dans l’idée de M. Barrois de chercher à nous démontrer que l’Epître à Henri II avait cette faculté prophétique à long terme, à plusieurs siècles de distance et que Nostradamus était le seul apte à réaliser une telle performance et que donc Nostradamus est le seul qui ait pu composer une telle Epître ? Allez savoir ! Il nous semble assez évident, cependant, que le fait que tel texte centurique soit prophétique n’en fasse pas ipso facto et inévitablement l’oeuvre de MDN et c’est pourquoi le débat sur la dimension prophétique des Centuries nous semble, somme toute, assez marginal et ne pas concerner le débat entre nostradamologues sérieux, si ce n’est, cependant, que cette dimension éventuellement prophétique d’un texte ne saurait nous interdire de signaler des quatrains composés post eventum.

   Quant à l’étude d’Adrien Delcour2, il s’agit bien là de l’autre cas signalé, à savoir celui de la recherche des sources concernant III, 36, on observe également une certaine modération dans les termes, sachant fort bien que la question des sources ne saurait déterminer à coup sûr que l’on a bien affaire à Michel de Nostredame. La source signalée par Delcour a fort bien pu être exploitée par tout autre que MDN, ce qui n’enlève rien au mérite de Delcour à avoir identifié la dite source. On rencontre là en tout cas une tonalité fort différente de celle du dernier article de P. Guinard (Espace Nostradamus et CURA).

   Cela dit, que dire de cette phrase figurant chez A. Delcour :

   “Qu’on partage ou non l’opinion de MM Prévost et Halbronn, selon qui l’édition prétendue de 1555 des Prophéties est antidatée, on serait heureux de connaître la source de Genebrard et Pontac sur les mains mangées (...) et de savoir si elle est antérieure ou de peu postérieure à 1555.”

   Restituons le texte du quatrain :

Enseveli non mort apopletique
Sera trouve avoir les mains mangées
Quand la cité damnera l’hérétique
Qu’avoit leurs loys si leur sembloit changées.

   Au vrai, le fait que tel texte date de telle ou telle année n’est pas si déterminant que cela car on peut très bien adopter une source disponible depuis un certain temps, à commencer par la Bible, sans qu’il faille dater l’emprunt de la date de première ou seule publication de la dite source. En revanche, si la source n’était pas accessible avant telle date, on serait en droit de penser que le texte emprunteur ne saurait lui être antérieur.

   Or A. Delcour ne cite, pour l’heure, comme référence que l’année 1585 :

   “A ma connaissance, le premier livre où ce détail (“mains mangéeschez un décédé) apparaisse est l’édition de 1585 de la Chronographia de Genebrard et Pontac”, ce qui plaiderait en faveur d’une rédaction tardive du quatrain concerné, chose qui n’a rien d’impossible puisque ce quatrain n’est pas attesté de façon certaine, avant cette date et qui va dans le même sens que le quatrain étudié par P. Guinard concernant 1588 (cf. sa dernière étude, sur Espace Nostradamus) comme quoi l’étude des sources et des quatrains post eventum peut se recouper. Mais on peut en tout cas regretter que Delcour au lieu de parler simplement de ce quatrain centurique nous parle du “quatrain de Nostradamus”, comme s’il n’y avait pas débat sur précisément la paternité des Centuries en général et de tel quatrain en particulier. Il est vrai que Prevost agit de la même façon, attribuant à MDN la paternité des quatrains décryptés par ses soins au lieu de se contenter de les désigner comme “quatrains centuriques”, sans préjuger de leur auteur, suivant en cela l’exemple de l’auteur anonyme des deux “Lettres Critiques sur la personne et sur les Ecrits de Michel Nostradamus”, parues en 1724 dans le Mercure de France.3 A un moment M. Delcour parle du sort des soldats américains au Viet Nam retrouvés, pour 4% d’entre eux, les “mains mangées”, peut-être M. Barrois y verrait-il la preuve que ce quatrain parlait bien de ce drame de ces soldats enterrés vivants en Indochine, quatre siècles après la mort de MDN ? Roger Prevost, pour sa part, associe ce quatrain à Savonarole4 ; il eût peut-être été souhaitable que Delcour citât ce commentaire. Encore conviendrait-il de distinguer entre sources littéraires et sources se référant à des événements précis, mais est-il si aisé de le faire ? Ainsi les Emblèmes d’Alciat sont-il certainement marqués par certaines circonstances.

   On notera que le quatrain III, 36 n’est constitué que ponctuellement d’une source identifiable ou identifiée tout comme le verset “république vexée” signalé par P. Guinard et repris du commentaire d’Aneau sur les Emblèmes d’Alciat, comme si l’on avait brodé, pour composer tout le quatrain, autour de cette citation, ce qui pourrait avoir été une méthode de travail, comportant notamment le respect des rimes, ce qui pouvait également générer du texte par association d’idées et de sonorités. Qui sait si l’on n’ouvrait pas tel livre d’une bibliothèque donnée, au hasard, et en extrayait quelque passage ?

   Ne pourrait-on dire cependant que plus un texte centurique recourt à des sources tardives et plus il semble se référer à des événements postérieurs à la vie de MDN et plus il nous sera suspect. Mais on a dit aussi que lorsque les événements signalés sont antérieurs aux années 1550, comme c’est le cas de IV, 545, on peut alors raisonnablement penser que si le texte est de MDN - et pourquoi pas comme le concède R. Prevost - il est censé se référer à un corpus prophétique antérieur au dit MDN et auquel il aurait eu recours. On voit que la détermination de la paternité de Nostradamus sur un quelconque texte semble bien aléatoire à démontrer alors qu’elle paraît si importante pour nombre de nostradamologues !

   Déjà en 1724 - il y a donc 280 ans - que l’on avait, dans les Lettres Critiques (op. cit.) ouvert une voie qui n’aura guère été suivie quant à la façon dont les quatrains centuriques furent conçus, d’aucuns préférant se contenter de la tâche de les appliquer : Nostradamus a été “tesmoin de tous les grands événemens dont l’Histoire de ce siècle (le XVIe) est chargée. Je vous ferai voir dans la suite qu’il pris plaisir à les envelopper sous un stile de Prophète & d’Enthousiaste, si guindé & si figuré qu’il ne croyait qu’on pût les démêler (…) Lorsqu’on aura dépouillé (tel quatrain) de l’attirail Prophetique sous lequel il paraît & qu’on aura réduit les termes figurez à leur juste valeur, vous verrez qu’il n’annonce rien que ce qui arrive trop souvent etc.” A propos, l’auteur des dites Lettres Critiques s’était déjà intéressé au quatrain VI, 23 comme le fera P. Guinard (sur Espace Nostradamus) :

   “Si vous vous rappelez l’état fâcheux où se trouva le Royaume sous la minorité du Roi Charles IX, qui commença à régner au mois de Décembre 1560 par les guerres civiles que l’ambition des princes & les idées de réformation introduites par les Calvinistes, causèrent en France (....) vous entendrez bien-tôt dans le sens du vingt troisième quatrain de la sixième Centurie.

I - Dépit de regne, Majestas Regia despicetur... Numismes décriez.... on décriera la vieille monnoye (...) 3 Paix fait nouveau... Paix de Cateau Cambresis, signée en 1559... Saintes Loix empirées, par les dogmes de Calvin, 4 Rapis... c’est le nom de Paris renversé etc.”

   On voit que pour cet auteur qui écrit dans les années 1720 et qui a déjà quelque recul le quatrain concerne non pas les années 1580, comme le soutient P. Guinard, mais bien la fin des années 1550 et le début des années 1560. Il était nécessaire de laisser entendre que MDN avait écrit ces quatrains avant ces événements pour pouvoir lui accorder le titre de prophète et ce, dès le début des années 1570. Si le prophétisme du pseudo Nostradamus avait du attendre la fin des années 1580 pour se voir confirmé, on comprendrait mal ce qui aurait pu faire le succès des Centuries lors de leur première parution. On notera que pour l’auteur des Lettres Critiques, la date de cette première parution n’est pas évoquée et il n’envisage pas de prophétie post eventum. Toujours est-il qu’il peut toujours sembler préférable, pour certains nostradamologues, de situer un quatrain comme correspondant aux années 1580 qu’aux années 1560, même s’ils ne l’avouent pas explicitement car le fait de dater la publication d’une prophétie de la veille d’événements dramatiques - 1557 ou 1558 pour 1559-1560 ! - cela a un côté un peu louche, en tout cas c’était vraiment in extremis ! Pour notre part, nous ne pensons pas que Nostradamus se soit amusé, après coup, à s’attribuer des prophéties dans des conditions aussi douteuses. Les temps étaient devenus durs pour les prophètes, tant l’Histoire semblait sortir de ses gonds et ne pas suivre le cours normal des choses Crespin6, mais c’était aussi le moment où leur présence pouvait sembler d’autant plus cruciale ; si Nostradamus n’avait pas existé, il aurait fallu l’inventer et c’est d’ailleurs bien ce qui se passa, on inventa un super Nostradamus, un Archidamus. Mais ce qui compte pour nous, c’est la date de telle ou telle édition conservée et non pas de savoir si le texte à l’origine est ou non de Nostradamus et ce d’autant que même la présence d’un quatrain réalisé post eventum ne prouverait pas pour autant qu’il ne s’agit pas d’une interpolation au sein d’un texte originellement de MDN. Or, comme nous ne disposons pas des textes d’origine, que nous ignorons leur contenu exact, comment pourrait-on affirmer que Nostradamus n’en est pas l’auteur ? Nous savons simplement qu’il n’est pas l’auteur des versions qu’on lui attribue et qu’on présente sous son nom. Il est possible qu’un certain nombre de quatrains centuriques conservés soient de MDN, mais si on sait que certains ne le sont pas, on ne sait pas pour autant lesquels le seraient, étant donné qu’il serait trop simple de conclure que ceux qui, pour l’heure, ne posent pas problème, seraient ipso facto de la plume de MDN.

   Restons-en donc à la question essentielle, celle de la datation des éditions conservées, y compris des éditions antidatées, de la détermination d’éditions manquantes, dont on peut raisonnablement penser qu’elles ont du exister et laissons de côté, jusqu’à nouvel ordre, la question des textes qui seraient imputables au seul MDN, tout en reconnaissant que certains textes extra-centuriques le sont vraisemblablement: on pense notamment à l’Epître à Henri II placée en tête des Présages Merveilleux pour 1557, laquelle Epître au Roi de France servit de base à nombre d’interpolations. En revanche, les extraits Crespin (cf. nos DIPN) ne sauraient viser des versets attribués à MDN mais déterminent uniquement la date de parution de certains quatrains avant 1572, ce qui n’est pas du tout la même chose.

   Cela étant, la thèse la plus acceptable et à laquelle curieusement se refusent encore maintenant nombre de nostradamologues semble bien être celle d’une parution posthume et c’est celle qui fut admise, à ce qu’il nous semble quelque temps après la mort de MDN. Etant donné, en effet, que l’on n’a pas de trace sérieuse d’une parution des Centuries du vivant de MDN, il semblait en effet possible d’affirmer la paternité de MDN quant à une série de quatrains retrouvés dans ses papiers et plus ou moins prêts à paraître, avec épître à l’appui, dûment datée. Paradoxalement, un tel positionnement donnerait beaucoup moins prise à la critique et expliquerait l’absence de recoupements du vivant de MDN.

   Dès lors se pose la question : qu’est-ce qui a poussé certains à ne pas s’en tenir à cette version “soft” des faits et a conduit à la production d’éditions censées parues avant et non pas seulement après la mort de MDN ? A quoi tient un tel débordement tant hier qu’aujourd’hui en faveur d’une thèse “hard” ?

   Pour ce qui est des nostradamologues actuels, la thèse “dure” s’explique assez aisément : ils sont en présence d’éditions antidatées à 1555, 1557, d’une épître à César datée de 1555, d’une épître à Henri II datée de 1558, épîtres qui “témoignent” d’une rédaction de quatrains centuriques aux dates en question et ils s’en tiennent là, ne disposant apparemment pas des méthodes ni de la formation adéquates pour déterminer le caractère contrefait de ces documents, se faisant ainsi les complices plus ou moins candides des faussaires : tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes nostradamiques possible, pour paraphraser Voltaire.

   Pour ce qui est des faussaires eux-mêmes produisant des textes et des éditions contrefaits, quel diable les a poussés à abandonner la thèse “douce” d’une publication posthume ? Quand est-ce que tout a basculé ? Il est possible que cela ait été dû à un malentendu, à une erreur d’interprétation de certaines données. Déjà Crespin n’atteste-t-il pas, au début des années 1570 (cf. nos DIPN), de l’existence d’une Epître à Henri II datée de 1558, soit huit ans avant la mort de MDN et introduisant des prophéties ? Il n’en fallait peut-être pas plus pour que tôt ou tard on basculât vers la thèse d’une parution - et non pas seulement d’une composition - du vivant de MDN. Même l’addition de 1560 de 39 articles à la “dernière centurie” - et dont on n’a pas l’édition “posthume” correspondante - a pu au départ être présentée comme inédite et parue seulement après la mort de MDN. Même l’édition Benoist Rigaud 1568 signalée par Verdier Vauprivas - “dix centuries de prophéties par quatrains” dans sa Bibliothèque, en 1585 (référence reprise in “Lettres Critiques“, août 1724, op. cit.), en reste à la thèse posthume. Quant à la mention d’éditions des Prophéties datées du vivant de MDN, le terme “Prophéties” est bien trop vague car on ne sait pas à quoi il renvoie, étant donné que MDN a pu publier un ouvrage portant ce titre, ce à quoi pourraient renvoyer les Prophéties du seigneur Du Pavillon Lez Lorriz, Antoine Couillard (Paris, 1556).

   Décidément, avant la fin des années 1580, on ne trouve rien de concluant concernant une parution du vivant de MDN mais uniquement concernant une composition du vivant de celui-ci. C’est alors que tout aurait basculé avec notamment le remplacement de l’Epître au Roi datée de 1558 par la Préface à César, datée de 1555, contrefaite à partir d’une précédente mouture authentique dont témoigne Couillard (cf. supra). C’est à cette date que parallèlement à des éditions datées des années 1588 à 1590, on aurait produit un certain nombre de contrefaçons se présentant comme parues “sous” Nostradamus, soit plus de vingt ans après la mort du dit Nostradamus ; c’est alors que la thèse posthume est abandonnée, certaines précautions ne s’avérant plus guère nécessaires avec le recul du temps. A partir de là, on retombe dans l’autre cas de figure, celui de nostradamologues incapables d’y voir clair et finissant par produire des biographies campant MDN rédigeant et publiant ses Centuries, se son vivant. En 1588, les éditions parisienne se référent, en leur titre, à l’édition augmentée de 1560 (cf. supra) et en 1590, l’édition d’Anvers se dit reprise d’une édition de 1555, parue à Avignon. Le mal est fait !

   Quid du “Brief Discours de la Vie de M. Michel de Nostredame”, tel qu’on le trouve en 1594 au début du Janus Gallicus :

   Nostradamus “se mit à escrire ses Centuries & autres présages commençant ainsi
D’Esprit divin l’ame présage atteinte etc.
Lesquelles il garda longtemps, sans les vouloir publier, estimant que la nouvelleté de la matière ne failliroit luy susciter infinies detractions, calomnies & morsures plus que venimeuses, ainsi qu’il advint. A la parfin vaincu du desir qu’il avoit de profiter au public, les mist en lumière: dont tout incontinent le bruit & renommée courut par la bouche de noz hommes (ceux du royaume de France) & des estrangers avec grandissime admiration. De ce bruit et fame empennée, esmeu le tres puissant Henry II. Roy de France l’envoya querir pour venir en Cour l’an de grace 1556 & ayant avec iceluy communiqué de choses grandes le renvoya avec présens” (p. 5).

   Il y a là un lien direct avec l’Epitre à Henri II, datée de 1558, laquelle reprenait celle des Présages Merveilleux, datée de janvier 1556 et qui mentionnait déjà cette même rencontre. On soulignera à quel point il est étrange qu’à deux ans d’intervalle, Nostradamus ait pu s’adresser au Roi en rappelant les mêmes circonstances !

   Mais nous avons déjà noté dans une précédente étude (sur Espace Nostradamus) concernant le Brief Discours un certain nombre d’anomalies laissant penser à des retouches intervenues sur un texte de rédaction nettement antérieure à la fin des années 1580. Il y a notamment un amalgame entre Présages et Centuries car c’est probablement du fait de sa production d’almanachs et de pronostications, que MDN fut invité à paraître à la Cour des Valois. On peut raisonnablement se demander ce qui dans le dédale des Centuries, telles que nous les connaissons, aurait pu si rapidement provoquer un enthousiasme aussi soudain qu’immédiat. Le bilan rétrospectif qui s’y trouvait éventuellement adjoint ou bien l’annonce d’un événement qui aurait été prédit à fort court terme ?

   Ce serait donc ce fameux voyage - ayant bel et bien existé - de l’astrophile provençal en Ile de France qui aurait servi à fonder la légende de la publication des Centuries du vivant de Nostradamus. Il serait donc peut-être utile pour édifier les esprits de reprendre ici les termes des diverses épîtres à Henri II rapportant cette affaire :

   Epistre du 13 janvier 1556 (Présages Merveilleux) :

   “Estant retourné de vostre court ô sérenissime & invictissime roy non sans ample remuneration de vostre maiesté & puis retourné à ma solitaire estude (...) ayant déclaré amplement par ung chascun moys etc.”

   Epître du 27 juin 1558 (version Besson) :

   “... depuis que ma face étant éblouie par la splendeur de vos immenses excellences (...) je voudrais consacrer ces miennes premières Prophéties etc.”

   Epître du 27 juin 1558 (version Benoist Rigaud) :

   “... depuis que ma face estant longtemps obnubilée se présente (sic, pour présenta) au devant de la déité de vostre maiesté immesurée, depuis en ça i’ay esté perpetuellement esblouy, ne desistant de honorer & dignement venerer iceluy jour que premierement devant icelle ie me présentay etc (...) je viendrais consacrer ces trois Centuries du restant de mes Prophéties etc.”

   Qu’apprend-on de la comparaison de ces trois moutures ? Dans l’Epître Besson, la comparution a précédé la publication des Centuries et n’en a pas été la cause, contrairement à ce qui est indiqué dans le “Brief Discours” tel qu’il nous est connu par le Janus Gallicus. En effet, MDN y parle de ses premières Prophéties, ce qui signifie qu’il n’y en a pas eu de parues auparavant. En revanche, dans la version Benoist Rigaud, l’Epître se présente comme proposant la suite des Centuries, ce qui donc n’exclue pas que celles-ci fussent parues partiellement avant la rencontre, précédées de quelque texte introductif. Quant à la mouture 1556, elle ne fait aucunement référence à des Centuries, mais propose une nouvelle publication annuelle à l’instar de celle qui avait motivé la rencontre.

   On nous objectera peut-être que les épîtres datées de 1558 ne vont pas dans le sens de la thèse d’une publication posthume mais il semble bien qu’il faille lire ces textes d’une certaine façon et c’est justement ce qui aurait provoqué un certain glissement du posthume vers le “du vivant”. Le signataire de l’épître Besson ne dit pas que ces textes qui sont adjoints à l’Epître ont été publiés mais qu’ils sont transmis au Roi qui peut fort bien les avoir gardés par devers lui. Et c’est précisément ces textes restés secrets que l’on propose enfin au public au début des années 1570. Quant à l’épître Rigaud, elle est certainement bien postérieure aux années 1570 alors que l’épître Besson doit être assez proche de celle que signale Crespin, elle va dans le sens d’une parution de certaines centuries avant le voyage, donc, dans ce cas de figure, elle suppose une publication même partielle de celles-ci, dès avant juin 1558. Or, la plupart des biographes situent le voyage nettement avant 1558, en fait en 1555 ou 1556, ce qui ne vaudrait donc que pour une édition datant de 1555, du type de celle se présentant comme parue chez Macé Bonhomme ; on expliquerait ainsi la fabrication d’une fausse édition à 4 centuries. Puis il y aurait eu une édition à sept centuries (Antoine du Rosne, 1557), au retour du voyage et au final, comme annoncé dans l’Epître Rigaud les trois dernières Centuries : tel est le scénario que l’on cherchera à imposer. En ce qui concerne la date du voyage, Edgar Leroy penche pour l’Eté 1555 contre l’avis d’autres biographes qui proposent 1556.7 Cependant, dans l’Abrégé de la Vie de Michel Nostradamus8, on lit : “La renommée de Nostradamus fut si grande qu’Henry II & Catherine de Médicis luy mandèrent de venir en Cour, où il arriva le 15 Aoust 1556. Or, la date de l’Epître, faisant suite au voyage, placée en tête des Présages Merveilleux, 13 janvier 1556 peut être lue 1557, vu que le changement d’année intervenait en France à l’époque seulement à Pâques.9

   Pourquoi a-t-on retouché la version Besson - selon nous encore présente en tête de la toute première édition à dix Centuries, parue avant 1585, qui plaçait les Centuries comme nées, en quelque sorte, du voyage à la Cour alors qu’avant MDN se serait contenté de publications annuelles ? Nous l’avons déjà expliqué dans de précédentes études (sur Espace Nostradamus), à savoir qu’après avoir été évincée des éditions de la fin des années 1580, tant à Rouen qu’à Paris ou à Anvers), l’Epître allait refaire surface ainsi qu’un lot de trois centuries qui avaient été également mises sur la touche. Dès lors, les Centuries en question ne pouvaient plus être les premières mais bien les dernières puisque ne pouvant plus que s’ajouter aux sept centuries connues à la fin des dites années 1580. En fait, la version Besson ne présuppose pas une publication des Centuries (cf. supra) alors que la version Rigaud l’implique. Quant au Janus Gallicus, il peut fort bien s’être appuyé sur diverses éditions parus avant 1594, constituant une sorte de cocktail dans lequel on aurait mis l’Epître à Henri II version Besson, la Préface à César des éditions 1588-1590, plus les Centuries récupérées ici et là, sans qu’il faille pour autant conclure à l’existence avant 1594 d’une nouvelle édition à dix centuries dont le JG se serait servi et ce d’autant qu’il ajoute les Présages et des quatrains des Centuries XI et XII dont aucune édition alors connue ne disposait, ce n’est que bien plus tard que des éditions conformes à la configuration du JG paraîtront mais elles ne feront sur plusieurs points que récupérer des quatrains qui s’y trouvaient commentés et ne sont donc en aucune façon la reprise d’une édition dans laquelle le JG aurait puisé. Certes, dans son avis initial “Au Lecteur bienveillant. Salut” - à ne pas confondre avec un autre texte, placé après le Brief Discours et intitulé “Au Lecteur” (pp. 13 et seq) - on peut lire en 1594 : “Bien que l’auteur mesme par modestie, en l’epistre premise à ses Centuries & en celle qu’il adresse au Roy Henry II (...) si est-ce qu’il a intitulé ses dites Centuries du nom de Prophéties etc.” Mais rien n’indique ici que les deux épîtres - si tant est qu’il soit référé dans le premier cas à la Préface à César, dont le nom n’est pas cité ici mais qui est évoqué par ailleurs à la fin du Brief Discours - aient jusqu’alors figuré dans une seule et même édition des Centuries et introduit chacune un volet ; on ne saurait en fait retenir que le point suivant, à savoir que les deux épîtres sont ici considérées comme ayant joué un rôle dans l’histoire du corpus centurique épars que Chavigny a dans sa bibliothèque.10

   Il faut probablement situer entre 1620 et 1625 l’apparition d’une édition des Centuries à deux volets - avec un second volet non daté et de ce fait associé à un premier volet à sept centuries dont la VIIe à 42 quatrains, quant à lui, ayant circulé bien plus tôt, dès les années 1590. A l’appui de cette affirmation, nous présenterons deux éléments : d’une part le fait déjà signalé en d’autres études sur Espace Nostradamus qu’encore en 1620, on ne trouve dans le Petit Discours ou Commentaire sur les Centuries de Maistre Michel Nostradamus imprimées en l’année 1555 (BNF R 55144) qu’une quarantaine de quatrains commentés, tous issus des Centuries I à VII, sans aucun commentaire des Centuries VIII-X, ce que reconnaît R. Benazra (RCN, p. 182). On connaît une édition augmentée parue la même année (BNF R 55145). Les 40 quatrains ainsi reproduits comportent peu de variantes par rapport au premier volet des éditions Rigaud de la fin du XVIe siècle On notera cependant un mot en majuscule VICTEUR au quatrain VI, 70, une variante en III, 15 : “Fors (Hors de) France en France par mort subjuguée” au lieu de “Lors France enfance par mort subjuguée”, phénomène qui pourrait être due à la dictée du texte chez l’imprimeur11, une inversion en III, 49 qui est fautive car ne respectant pas la rime : “En lieu estrange l’Empire est translaté” au lieu de “En lieu estrange est translaté l’Empire”, pour rimer avec pire ou encore en III, 51, forfait pour méfait dans le Ier volet Benoist Rigaud ; en IV, 45 : “Tous destroussez , un en sera tesmoin” au lieu de Tous destranchés ; VI, 59 : “Dame en faveur par rage d’adultère” au lieu de Dame en fureur. On signalera enfin le commentaire des deux premiers versets de IV, 46 :

Bien defendu le faict par excellence
Garde toy Tours de ta proche ruine

   Lequel commentaire, comme nous l’avons signalé à plusieurs reprises, vise Henri de Navarre. Il s’agit là, pour le commentateur de 1620 (p. 12), d’un événement survenu le 24 août 1584, autour de Tours.

   “Le Roy de Navarre passe Loire le 24 aoust 1584 pour joindre ses forces qui estoyent en Normandie, au Mayne & autres lieux (...) Cependant le duc de Mayenne (...) voyant les forces du Roy séparées & se fiant aux intelligences qu’il avoit avec quelques grands prez du Roy menace Tours, en espérant de prendre le Roy qui y estoit mal accompagné comme dit l’histoire, ce que dit aussi le dit Nostradamus.”

   Dans notre étude consacrée à ce quatrain12, nous nous étions placés dans la perspective du gouvernement d’Henri de Navarre installé à Tours. Mais, si ce verset concerne le même Henri dès l’Eté 1584, juste au lendemain de la mort du duc d’Alençon, survenue le 10 juin et qui ouvrait une grave crise dynastique, faisant du prince du sang protestant l’héritier de la couronne, à la mort à venir d’un Henri III, qui n’avait pas d’enfants, peut se demander si ce quatrain ne fut pas composé ou peut-être simplement retouché dans les mois qui suivirent l’incident du mois de la fin août 1584 entre l’affrontement entre le duc de Mayenne, un Guise et Henri de Navarre, un Bourbon. On observera que si Du Verdier en 1585 parle d’une édition à dix centuries de quatrains, ce n’est pas le cas, un an plus tôt, en 1584, dans l’article que La Croix du Maine consacre au même Michel Nostradamus et l’on peut dès lors se demander si l’édition en question datée de 1568 ne serait point parue entre temps. On aura voulu laisser entendre que de longue date Nostradamus avait prévu cette “menace” mais quelques années plus tard, en 1588 et 1589, le quatrain allait apparaître comme ayant une nouvelle actualité et fut donc censuré dans certaines éditions.13 Le dit commentateur de 1620 a, on l’aura noté, cette formule intéressante : “comme dit l’histoire, ce que dit aussi (…) Nostradamus”. En effet, constamment, le texte de 1620 s’appuie sur l’ouvrage de Serres en ce qui concerne les événements qu’il relie aux quatrains, comparant en permanence l’historien et le prophète en ce qui concerne une période qui fait suite à celle traitée par le Janus Gallicus dont il ne semble pas avoir eu connaissance puisqu’il ne se sert à aucun moment des centuries VIII-X à plusieurs reprises commentés notamment dans l’Epître à d’Ornano.

   En revanche, en 1625, Gabriel Naudé, dans son Apologie pour tous les grands personnages qui ont esté faussement soupçonnez de magie, Paris, F. Targa (Reprint, 1972) ouvrage qui sera maintes fois réédité, évoque les “mille quatrains”, on est donc très loin désormais d’une édition à sept centuries, même si 1000 semble ici une approximation, due au fait de l’existence de dix Centuries : “ce n’est point de merveille si parmy le nombre de mille quatrains, chacun desquels parle quasi toujours de cinq ou six choses différentes etc”, tout comme il évoque l’Epître à Henri II dans le contexte propre au second volet : “d’autant que Nostradamus mesme confesse en l’Epistre des trois Centuries addressée au Roy Henry II”, suit une citation de l’Epître, laquelle ne correspond avec aucune autre version.

   Citons le passage en italique chez Naudé, qui indique qu’il s’agit d’une citation :

   “Qu’il a dicté ses prédictions plutost d’un naturel instinct accompagné d’une fureur Poétique, que par regle de Poésie, encore qu’il les ait accordées aux calculations Astronomiques

   Comparons avec la version canonique :

   “Composées plutost d’un naturel instinct, accompagné d’une fureur poëtique, que par reigle de poésie & la plupart composé & accordé à la calculation Astronomique

   On passera sur le fait que Naudé ait mis la phrase à la troisième personne du singulier, ce qui est une licence narrative mais on notera “dicté” au lieu de “composé”, ce dernier terme revenant dans la version centurique une seconde fois, dans le passage considéré et aucune fois dans la version utilisée par Naudé. Ajoutons que chez Naudé, “calculations astronomiques” est un pluriel et qu’on le trouve la formule au singulier dans la version centurique. On notera que dans la version Besson, il est question de “nocturnes et prophétiques supputations Astronomiques”, on a donc un pluriel comme chez Naudé.

   Tout cela ne prête peut-être pas beaucoup à conséquence mais c’est en tout cas la toute première fois, en cette année 1625, que l’on présente l’Epître à Henri II comme précédant trois centuries en dehors évidemment des éditions elles-mêmes dont il convient précisément de déterminer la date de parution et on ne peut ici être juge et partie. R. Benazra cite14 l’ouvrage de Naudé mais sans en signaler tout l’intérêt pour l’histoire des éditions des Centuries. On notera que Naudé, par la même occasion, nous indique indirectement qu’une édition comportant les sixains ne lui était pas connue en 1625 et nous pensons en effet que l’apparition d’un troisième volet, chez les libraires troyens, ne se produira que quelques années plus tard, ce dont témoignera en 1656 l’Eclaircissement des véritables quatrains... Ajoutons que Naudé fait allusion à deux commentaires des Centuries qu’il conviendrait d’identifier si tant est qu’ils ont été conservés : d’une part, il cite un commentaire de VI, 31, figurant dans le Chymiste ou Conservateur François (p. 15) paru quelques mois plus tôt; en fait l’ouvrage était paru en 1612, à Paris, chez Nicolas La Caille15 ; y a-t-il eu une réédition dans les années 1620, pour que Naudé indique, en 1625, qu’il s’agit d’une récente parution ? Par ailleurs; l’auteur de l’Apologie résume un texte - ou plusieurs - de la façon suivante : “On ne laisse de les remettre (les Centuries) sur le tapis, toutesfois & quantes qu’il arrive quelque chose de remarquable, tesmoin celles que l’on a veu courir sur la mort du Mareschal d’Ancre (en 1617), la fortune de Monsieur de Luynes (le successeur de Concini) & sur l’embrasement du Palais & celuy des ponts.” Signalons un pamphlet intitulé Les Charmes de Conchine (...) avec la prédiction de Nostradamus, tirée de la 4. Centurie du fol. 41. Imprimé à Lyon, 1555 (BNF Lb36 1019 et Houghton Library, Harvard) ; on y commente le quatrain IV, 14 suivi d’un faux quatrain :

Un (sic) l’an 1617 plaint de mots inouys
La justice du ciel enfin qui se descouvre
Pour rendre florissant le sceptre de Louys
Fera pleuvoir du sang dessus le pond du Louvre.

   Ainsi, il nous semble que Gabriel Naudé aurait été le premier à saluer la mise en place d’une édition à deux volets, du type de celles qui seront attestées en 1627, deux ans plus tard, chez Jean Didier, à Lyon.16 Dès lors, aucune édition à deux volets ne serait parue avant le début des années 1620 et ce n’est que par extrapolation que l’on aura daté le second volet sur la base de la date - quand elle figure - du premier volet auquel il sera par la suite associé, notamment dans le cas des éditions de la famille Rigaud, dans les années 1590 et dans les deux premières décennies du XVIIe siècle. Il est possible, d’ailleurs, que les toutes premières éditions à deux volets aient justement été produites par Pierre Rigaud, au début des années 1620 et qu’il se soit autorisé de publier des seconds volets portant le nom de Benoist Rigaud et des Héritiers Benoist Rigaud et notamment un second volet antidaté à 1596, qui n’est pas actuellement localisé étant donné que nous avons vérifié qu’elle ne se trouvait pas, comme indiqué17, à Londres, dans la Collection Harry Price, laquelle comporte en revanche les deux volets, non datés, Héritiers Benoist Rigaud.

   Certes, il est tentant, pour certains, de mettre en cause la valeur de l’Epître à Henri II dans la mouture Besson, laquelle n’est attestée précisément que dans une édition du libraire lyonnais Antoine Besson. Mais on voit mal ce qui aurait, à la fin du XVIIe siècle, poussé l’éditeur de cette version à “changer”, comme le soutient R. Benazra (article sur Espace Nostradamus), la forme “ces trois centuries du restant de mes Prophéties” en “ces miennes premières Centuries”. Dans les années 1690, il n’y a aucun enjeu qui puisse justifier une pareille retouche - notons cependant que dans l’édition Besson, l’Epître à Henri II est placée juste avant la Centurie I et non avant la Centurie VIII comme dans le canon nostradamique - alors qu’un siècle plus tôt, nous avons montré que le contexte éditorial se prêtait à un tel changement de la mouture “Besson” vers la mouture “Rigaud” et non l’inverse. Par ailleurs, nous avons montré, dans de précédentes études (sur Espace Nostradamus) que les versions de l’édition Besson tant de la Préface à César - mouture attestée dès 1672, donc vingt ans plus tôt, par la traduction de Théophile de Garencières18 - que de l’Epître à Henri II19 étaient nettement moins fautives, sur plus d’un point, que les versions supposées parues du vivant de Nostradamus ou au lendemain de sa mort.

   Pourquoi n’a-t-on pas conservé la date initiale de l’Epitre à Henri II, question d’ailleurs qui concerne aussi certaines éditions de l’Epitre à César, parues sous la Ligue, datées du Ier mars 1557 (Paris, 1588 et 1589) ou du 22 juin 1555 (Anvers 1590) ? Selon nous, on est passé de 1556 à 1558, de façon à rendre crédible la thèse d’une Epitre au Roi manuscrite envoyée un an environ avant la mort d’Henri II et dont le brouillon aurait été conservé dans les papiers de MDN retrouvés dans son cabinet, tout comme on l’avait fait pour le recueil d’Epîtres Latines20 ou pour le Recueil de Présages Prosaïques ou encore la traduction d’Orus Apollo21 ; un délai plus important de plusieurs années - ce qui eut été le cas d’une épître datée du 13 janvier 1556 - eut été moins vraisemblable. En revanche, pour les changements de date affectant la Préface à César - Ier mars 1557 au lieu de 1555 - on notera que l’on a probablement voulu que celle-ci ait annoncé d’emblée sept centuries et cela expliquerait les éditions antidatées Antoine du Rosne, 1557, et de fait, il semble bien que la première édition des Centuries - posthume - ait comporté six centuries puis une addition constituant une septième centurie et qu’il n’y ait jamais eu d’édition antérieure qui n’aurait comporté que quatre centuries dont une à 53 quatrains. L’idée d’une première édition à 4 centuries n’appartient pas aux années 1570 mais bien aux années 1590 et est liée à l’idée d’une édition datée de 1555, telle que signalée dans l’édition d’Anvers, chez François de Sainct Jaure, curieusement datée du 22 juin 1555, l’Epître au Roi datant du 27 juin 1558 - à l’instar des éditions rouennaises, portant le même titre - et non pas de mars 1555. Or, cette édition précédée d’une épître à César datée de 1555 est à sept centuries, ce qui supposerait donc une édition à sept centuries, inconnue, datée de ... 1555 ! C’est cette position qui aura fini par l’emporter, le canon centurique proposant une édition avec la préface de 1555 et sept centuries. On nous répondra qu’il est indiqué, au titre, dans toutes les éditions des années 1588-1590, une addition de 300 prophéties, ce qui pourrait justifier l’existence d’une édition à 7 centuries dont une incomplète moins 3 centuries, soit à 4 centuries dont une incomplète.

   Nous pensons que la présence du 22 juin 1555 est très révélatrice : en effet, cette Préface censée remplacer l’Epître à Henri II, datée du 27 juin 1558, il pouvait sembler opportun d’adopter une date proche de celle de l’Epître ainsi évacuée et suivie de six centuries augmentée d’une septième car selon nous c’est bien sous cette forme, connue de Crespin mais avec un autre contenu centurique, que la deuxième édition des Centuries apparut au début des années 1570, la première ne comportant que six centuries. Rappelons que l’Epître au Roi, dans la mouture Benoist Rigaud, présuppose la parution avant 1558 de sept centuries. Mais il s’agit là d’une présentation appartenant aux années 1590, lorsque l’Epître au Roi fut réintégrée dans le canon centurique. En définitive, l’existence d’une édition à quatre centuries peut sembler tout à fait incongrue et il est remarquable que ce soit précisément cette formule qui soit présentée, par la quasi totalité des nostradamologues, comme ayant été la première en date. Force est cependant de constater qu’une telle version des choses était parfaitement admise, comme on l’a vu, dans les années 1588-90, puisque les éditions de cette époque, à sept centuries, se présentent comme additionnelles.

   Comment est-on passé d’une édition à six centuries, puis sept centuries puis dix, au début des années 1580, à une édition à seulement quatre centuries ? Il convient cependant de ne pas oublier une étape importante dans la formation du corpus centurique, celle où les centuries IV et VI furent “complétées”, passant respectivement de 53 et de 71 à cent quatrains chacune.22 Or, le passage de 53 à 100 quatrains à la IVe centurie, dont la trace est observable dans les éditions parisiennes de 1588 et 1589, a pu induire en erreur et donner l’impression qu’il avait existé un état premier des centuries à 353 quatrains alors qu’en réalité il s’agissait d’un ensemble de sept centuries dont deux centuries furent complétées, la IV et la VI. Au lieu de comprendre que l’addition au delà des 53 quatrains ne concernait que la IV, on aura cru que les centuries suivant la IV avaient également été ajoutées, alors qu’il s’agissait d’une addition interne à la IV, de 47 quatrains, et ne concernant que la IV et non pas la V ou la VI lesquelles préexistaient à la dite addition. Il apparaît que l’addition à la VI ne se produisit que par la suite, elle n’est pas encore intervenue dans les éditions parisiennes de 1588-1589 mais la VI est dûment complétée, passant de 71 à 99 quatrains, dans l’édition d’Anvers 1590, une édition à 100 quatrains à la VI ayant été censurée. Seule la centurie VII échappa à ce traitement mais elle n’en passa pas moins de 35 à 39, puis 40, 42 voire 44 quatrains, sans parler de la question des 58 sixains.

   On voit que la fameuse édition Macé Bonhomme, 1555, revient de loin : il s’agit là d’un artefact tardif n’ayant jamais existé en tant qu’état premier sinon dans l’imagination de certains éditeurs de la fin des années 1580, un peu trop zélés et croyant faire oeuvre de reconstitution de la genèse du processus centurique ; on notera le recul de la date de la Préface à César de 1557 à 1555, ce qui était conforme au modèle de l’épître initiale attesté par Couillard en 1556. Ainsi, connaît-on une double datation annuelle pour les deux épîtres. En réalité, la première version des Prophéties de Michel Nostradamus, parue au début des années 1570, comportait six “livres” de cent quatrains ; elle était précédée d’une Epître à Henri II datée de juin 1558, dont le contenu était certainement très proche de celui figurant chez Antoine Besson.

   Si la rencontre avec Henri II fut certainement un événement majeur dans la vie de MDN comme probablement le fut la mort subite et bien difficile à prévoir du dit souverain - véritable éclipse du soleil - qui nous apparaît comme un contrepoint à cette rencontre, à quelques années d’intervalle, précédée il est vrai par la grave déconfiture militaire de Saint Quentin en 1557 qui conduisit à une paix assez désastreuse pour la France, signée au Cateau Cambrésy, en 1559 - autant de faits indiscutables plus ou moins bien prédits par Nostradamus dans ses publications annuelles - sans parler de la contrefaçon des Significations de l’Eclipse qui sera le 16 septembre 1559, datées du 14 août 155823 - dont d’ailleurs certains quatrains centuriques - que l’on ne saurait se risquer impunément à lui attribuer - sont le reflet bien plutôt que l’annonce, ce qui est en revanche beaucoup moins attesté, ce sont les éditions des Centuries qui seraient parues à Lyon voire à Avignon, chez un certain nombre de libraires, au cours de ces mêmes années ; c’est ce qu’on appelle mélanger le vrai et le faux et qui relève du (mauvais) roman historique.

   En tout état de cause, si l’on admet que Nostradamus fut invité à la Cour en raison de la qualité de ses Centuries déjà parues - si l’on s’en tient à la version de l’Epître à Henri II - Benoist Rigaud - il ne pouvait évidemment s’agir de la réussite du pronostic de la mort du dit roi, laquelle n’avait évidemment pas encore eu lieu bien que censée figurer en I, 35, selon son fils César mais alors de quel pronostic voulait-on ainsi le féliciter en ces années 1555-1556 ? Il faudrait plutôt aller voir du côté de ses publications annuelles pour le début des années 1550 où Henri II n’a pas encore subi la déconvenue de Saint Quentin (1557) et semble pouvoir faire encore jeu égal avec Charles Quint - la trêve honorable de Vauzelles est de février 1556 - .car félicite-t-on officiellement un prophète pour ses mauvaises nouvelles ? On notera en passant une assez étrange formule dans le Janus Gallicus (Au Lecteur, p. 20) : “i’en ay fait un amas & recueil tiré de ses Centuries & autres qu’il avoit faits sur chacun mois pendant dix ou douze années où j’ay pensé pouvoir comprendre & embrasser l’histoire d’environ cent ans des choses qui appartiennent à ce Royaume de France & autres externes etc.” On observera donc que Jean Aimé de Chavigny reconnaît que son travail ne s’est pas appuyé sur telle ou telle édition mais sur un ensemble de pièces, puisqu’il a réuni quatrains et présages de diverses origines. On s’interrogera sur ce “ou” dans “dix ou douze années” qui n’est pas d’une extrême précision.

   Quant à la Seconde Face du Janus, on nous annonce qu’elle “commence (...) dez celle année (1589) & mémorable mutation des choses en France iusques à 1607 (...) Duquel livre en voicy le commencement & proposition que j’en donne au Lecteur, comme un premier goust, tiré de la Centurie II, quatr. XLVI.
Après grand trouble humain plus grand s’appreste
Le grand moteur les siecles renouvelle
Pluye, sang, laict, famine, fer & peste
Au ciel veu feu courant longue estincelle.”

   Nous voyons dans ce quatrain ainsi mis en exergue confirmation de la qualité d’astrologue d’Aimé de Chavigny, que lui reconnaissait Edouard du Monin, dans son Uranologie (1583). Cette année 1607 nous semble devoir être associée à la prochaine grande conjonction périodique Jupiter-Saturne devant se produire dans la première décennie du XVIIe siècle et correspondant à un renouvellement des temps : on trouve 1606 au début de l’Epître à Henri II, version Rigaud ainsi que les positions planétaires pour la dite année, ce qui nous conduit à penser que la refonte de la dite Epître, sous sa forme canonique, pourrait devoir quelque chose au dit Chavigny. Pour Chavigny, tout se passe comme si la fin des Valois correspondait à une grande conjonction, dans les années 1580 et que l’on serait dans une sorte d’interrègne jusqu’à la suivante, soit un laps de temps d’une vingtaine d’années environ.

   Rappelons, à toutes fins utiles, la formule de l’Epître canonique : “commençant icelle année (...) iusques l’an mil sept cens nonante deux que l’on cuydera estre une rénovation de siècle

   Un Chavigny qui avait déjà songé à répliquer à certaines observations concernant la prophétie post eventum (pp. 20-21) :

   “Que si aucuns tournoyent à vice de ce qu’en ceste histoire l’Auteur (MDN) traite aussi du passé (car il est certain qu’il a escrit la plus grand part de ses presages soubs Henry II. Roy de France), ie luy répondray (...) que c’est le propre de la vaticination recevoir les choses futures non seulement mais aussi narrer les presentes avec les passées (...) et me suffira de servir de bon conjecteur & interpréte & si vous voulez devineur qui par une diligente conférence des temps, acquise par longue lecture & par liaison des choses passées avec les présentes, collige le futur.”

   Et en ce qui concerne l’idée, défendue par certains, qu’un quatrain doit être interprété globalement, laissons Chavigny avoir le dernier mot : “Pour laquelle chose conduire mieux à fin désirée, avons esté contraints repeter deux & trois fois quelques quatrains, assavoir ceux dont les parties ne s’accordoyent à mesme temps.”

Jacques Halbronn
Paris, le 14 avril 2004

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Les quatrains ligériens et les événements de 1562

    Malgré les explications (cf. supra) du Petit Discours ou Commentaire sur les Centuries (PDC), il semble que le verset “Garde toi Tours, de ta proche ruine” renvoie à un événement bien plus dramatique que celui qu’il signale, à savoir une sorte de pogrom antiprotestant qui éclata en l’an 1562, comme le relate d’ailleurs ce Jean de Serres, dont pourtant l’ouvrage de 1620 se sert constamment, à savoir les Mémoires parus en 1570 puis réédités plusieurs fois, notamment en 1578, ainsi que traduits en anglais et en allemand :

   “Alors se fit un saccagement de toutes les maisons de ceux de la Religion. On en traîne d’autres trouvez par la ville & les précipite dans l’eau, sans épargner ni femmes, ni enfants.”:

   Cette affaire de Tours est référencée en bonne place dans l’index de l’ouvrage : “Tours & pays voisin comment traitez durant les premiers troubles”, on est en effet au début des Guerres de Religion.

   L’avertissement du quatrain “Garde toy Tours de ta prochaine ruine” est typiquement post eventum car rien ne permettait, même quelques mois auparavant, de prévoir que cette ville aurait à subir un tel sort. On aura donc voulu faire de Nostradamus le prophète du “saccagement” de Tours. Notons cependant ici un détail assez remarquable, à savoir une “mise en garde” comme si cela aurait peut-être pu être évité.

   Reconnaissons en tout cas qu’un tel quatrain, qui figure dans les éditions datées de 1555 et de 1557 suffit à en montrer le caractère contrefait. Ce quatrain n’a pu être composé qu’après 1562, en tout cas pas avant 1562.

   Il appartient à une centurie, la quatrième, à la genèse singulièrement complexe puisque ayant comporté au moins trois stades, outre le fait que cette centurie est constituée au départ (cf. supra) d’une addition aux six centuries d’origine, ce qui signifie qu’elle figurait initialement en septième et non pas en quatrième position. Elle ne passa en 4e position qu’avec l’élimination de trois centuries pour donner les sept centuries des éditions des années 1588 et suivantes. Au départ, la IVe Centurie devait ne comporter que 39 quatrain puis 53 au sein d’un système qui comprenait 100 quatrains à la V, 71 quatrains à la VI et 35 quatrains à la VII. On peut supposer que le quatrain 46 ait pu se trouver dans le premier groupe de 39 quatrains car nous savons que les additions ne se pratiquent pas nécessairement à la suite, mais peuvent tout à fait s’opérer par interpolations, comme ce sera le cas pour la centurie VII lors du passage de 35 à 42 quatrains, c’est la question du “quatrain terminal” restant inchangé, abordée dans de précédentes études sur Espace Nostradamus.

   Si on admet l’hypothèse de la présence de ce quatrain IV, 46 dans le premier groupe de 39 quatrains, et si l’on sait que ces 39 “articles” appartenaient à une addition aux six premières centuries, dont on voudrait nous faire croire, si l’on se fie au titre complet des éditions parisiennes 1588-1589, qu’elle aurait eu lieu en 1560, la prophétie aurait précédé de peu 1562. Pourquoi une telle addition aux six Centuries, peu de temps après leur mise en lumière ? Serait-ce le fait d’un oubli étant donné que lors de la composition au début des années 1570 - à partir éventuellement des Mémoires de Jean de Serres, auteur favorable aux Protestants - des six centuries susdites on connaissait les événements de 1562 ? Il semble qu’un tel rappel d’un tel événement devait être lié à certaines circonstances propres au début des années 1570 mais le dit rappel doit avoir été antérieur à la Saint Barthélémy, laquelle aurait probablement éclipsé Tours en horreur et parce qu’en 1572, Crespin utilise des versets appartenant à la centurie IV, dans ses Prophéties dédiées à la Puissance Divine et à la Nation Française, ouvrage apparemment paru avant le choc de la dite Saint Barthélémy. Toujours est-il que Tours fut bien un avant goût sur la Loire, une répétition générale, dix ans plus tôt, du drame de l’Eté 1572, sur la Seine.

   D’ailleurs, le Janus Gallicus commente pour 1562 le quatrain IV, 46 par “Estrange ruine de Tours, mesmes (surtout) de trois temples despouillez de leurs grandes richesses” et un autre quatrain, I, 20 dont le premier verset est “Tours, Orléans, Blois, Angiers, Rheims & Nantes” par “Villes occupées par les Protestans presques en mesme temps etc.” (p. 100)

   Le quatrain VI, 100 est relatif, selon les termes du JG au “sac et prise d’Aurange (Orange) sur les Protestants” survenu en cette même année 1562.

   On relèvera la similitude des versets signalés en I, 20 et IV, 46 avec dans un cas :

Tours, Orléans, Bloys, Angiers, Reims & Nantes (I, 20)

   Et

Garde toy Tours de ta proche ruine
Londres & Nantes par Reims fera défense

   Où l’on retrouve les noms de Tours, Nantes et Reims. On ne voit pas en revanche ce que vient faire ici Londres qui pourrait être une corruption d’Orléans qui en est un quasi anagramme avec les mêmes consonnes : L,O, N, R, E, S, avec le A au lieu du D. Il est assez rare que l’on trouve des assemblages aussi proches. En tout cas, l’on voit que l’affaire de Tours n’avait pas été oubliée au sein des six premières centuries mais que l’on a quand même jugé bon d’y revenir dans la centurie IV. Le cas de Reims est troublant : que vient faire cette ville au côté de cités donnant sur la Loire - d’où l’adjectif ligérien que nous utilisons dans notre titre - et ce d’autant plus que le nom de Reims est ainsi associé aux dites cités, dans les deux quatrains ? On notera que Reims est quasiment l’anagramme de Saumur, autre ville sur la Loire : trois consonnes sont communes : SMR, placées dans l’ordre inverse (RMS). IV, 46 serait une resucée de I, 20 et la IVe centurie comme une sorte de résumé des six premières centuries, ce qu’il faudrait vérifier sur d’autres cas. Les six villes se suivent ainsi d’Est en Ouest : Orléans, Blois, Tours, Saumur, Angers, Nantes. A la différence de l’anagramme RAPIS pour PARIS (VI, 23) on remplace ici une ville par une autre, comportant approximativement les mêmes lettres.

   Il conviendrait d’ajouter à la série II, 14 dont le premier verset comporte deux villes sur la Loire : “A Tours, Gien, gardé seront yeulx penetrans”, Gien se trouvant à l’Est d’Orléans. Signalons cependant la leçon “A la tour Saint-Jean”, qu’il associe à une circonstance de 1533, de P. Brind’amour24 - il n’y a plus ici ni de ville de Tours, ni de ville de Gien ! - tout comme, par principe, il ne relie nullement I, 20 ni IV, 46 au moindre événement passé ou futur, ce qui montre bien que les références à Tours ne sont pas historiquement significatives avant les années 1560. Brind’amour est donc passé complètement et peut-être délibérément à côté des événements de 1562 parce que cela aurait contredit sa thèse d’une approche rigoureusement rétrospective, sauf bien entendu à accepter - ce qui ne mange pas de pain - la thèse géographisante de Chantal Liaroutzos.25

   Le commentaire du JG, pour sa part, n’hésite d’ailleurs pas (n°s 102-103), on l’a vu, à associer I, 20 et IV, 46 à l’année 1562, sans se soucier de savoir si cela ne risquait pas de susciter une accusation de type post eventum pour des textes prétendument parus ou composés en 1555, 1557 voire 1558, si l’on croit, comme R. Benazra, à l’existence d’une telle édition en cette année là. Bien au contraire, cela ne prouvait-il pas, aux yeux du commentateur, que Nostradamus était bien le prophète des “malheurs” de la France, comme le dira un Ronsard, ce qui signifiait que tout était déjà, dans tous les sens du terme, écrit ? On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre : si l’on soutient que Nostradamus fut acclamé dès parution de ses quatrains comme un prophète, il a bien fallu qu’on lui fît annoncer des événements pas trop anciens qu’il n’aurait pas été supposé connaître mais que les lecteurs des quatrains reconnaîtraient sans mal, invités, dans la foulée, à créditer le prophétisme de Nostradamus. Le problème, c’est qu’en 1562, Nostradamus était toujours en vie, ce qui lui aurait permis de constater par lui-même l’excellence des dites Prophéties et d’en faire éventuellement, de son propre chef, un commentaire qui pourrait être inclus dans le Janus Gallicus comme d’ailleurs le titre complet de cet ouvrage nous y invite.

   La lecture de Jean de Serres (1540-1598), largement utilisé et cité dans le Petit Discours et Commentaire de 1620 confirme, en tout cas, que des villes comme Blois, Orléans et Tours étaient bien aux mains des Huguenots. Blois et Tours, notamment, furent repris en 1562-1563 par les armées catholiques, celle du duc de Guise et celle du duc de Montpensier, dans des conditions d’une extrême cruauté, et notamment avec des noyades dans la Loire, comme on peut en lire le récit, par le dit Jean de Serres.26

   Le cas des quatrains “Tours” mérite d’être confronté à la thèse “Janus” de Lemesurier, selon laquelle un événement passé peut valoir à terme pour le futur. Il est probable que les troubles de Tours de 1562 trouveront dans les années 1580 une nouvelle actualité, comme le propose le PDC (Petit Discours ou Commentaire) de 1620 (cf. supra) à cette différence près que les quatrains concernant 1562 étaient supposés concerner déjà l’avenir, ce qui ne correspond plus au modèle Janus, ouvert à la fois sur le passé et l’avenir. Mais peu à peu, l’avenir n’était-il pas voué à incarner le passé ? Quant à la thèse de Liaroutzos, déjà évoquée, elle nous semble ici rencontrer ses limites car la dimension géographique des quatrains ligériens ne saurait évacuer ici le poids de la mémoire. Mais on peut tout de même se demander si ce ne sont pas de tels quatrains qui ont donné l’idée de recopier des itinéraires. On peut aussi se demander si les quatrains issus de répertoires géographiques existaient bien à l’origine ou s’ils ont été, pour quelque raison, substitués à d’autres par un procédé, on l’avouera, assez rudimentaire. Le cas le plus connu de ce type est bien entendu celui de Varennes, qui retint l’attention de René Dumézil, dans Le moyne noir en gris dedans Varennes. Sottie nostradamique (Paris, Gallimard, 1985). Selon Roger Prévost27, toutefois, il pourrait s’agir d’un événement précis, il n’empêche que le détail des lieux dans le quatrain IX, 20 ne laisse aucun doute sur le recours à une liste de noms ou à une carte régionale, par delà toute considération historique.

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Le relief de la production nostradamique

    Aborder la genèse du phénomène Nostradamus passe par une double exigence : celle de l’historien qui s’efforce de constater ce qu’il en a été, par quels méandres le corpus a pu se constituer, en exploitant la moindre trace, le moindre indice qui permettent de cerner au plus près ce qui s’est vraiment passé et non pas ce qui aurait du ou pu se passer et celle de l’anthropologue qui doit s’aider d’un certain nombre de faits incontournables, d’invariants. Parmi ces invariants, la faculté limitée de tout être humain, aussi exceptionnel soit-il, à dire l’avenir au delà d’un certain degré de généralité tout comme on n’admettra pas a priori le miracle, sauf à se prélasser dans le merveilleux et le surnaturel. On nous reproche de vouloir “déposséder” Nostradamus d’on ne sait quel patrimoine mais que dire de ceux qui cherchent à le déposséder de sa qualité d’homme pour en faire un être imaginaire ? A partir du moment où l’on prétend une chose avérée impossible, il y a nécessairement imposture et en ce sens le prophétisme relève d’une forme d’escroquerie intellectuelle, que ce soit du fait d’une description antidatée des événements ou d’une interprétation forcée de textes.

   La vie de Nostradamus nous semble d’ailleurs emblématique de cette dialectique du passé et du futur, dans la mesure où c’est à partir de ce qui se produisit de son vivant qu’on lui inventa une postérité, une posthumité nous apparaissant comme un miroir déformant, magnifiant ; le prophétisme n’est-il pas au vrai une sorte de bricolage du futur passant par un bricolage du passé ? Ce qui est remarquable, c’est qu’à côté du mystère Nostradamus se soit installé parallèlement le mystère Chavigny. A ce propos, signalons les deux notices distinctes des Bibliothèques Françoises de La Croix du Maine et de Du Verdier (reprises par Rigoley de Juvigny, Paris, 1772, tome 1, pp. 446 et 476). En fait, on a l’impression que certains nostradamologues se figurent être dans une sorte de forteresse assiégée et étant carrément sur la défensive et l’apologétique, manient le corpus nostradamique avec la plus grande prudence, quitte à ne plus bouger et à faire du sur place, de peur qu’il ne parte en morceaux, comme un vieux parchemin mité, en fait ce sont ceux là qui sont les plus inquiets derrière leurs rodomontades ; ils connaissent un seul chemin bien balisé et ils s’y tiennent, ayant peur de s’égarer en changeant d’itinéraire, ce qui est pourtant le propre des chercheurs mais il y a là aussi les vrais et les faux. Insistons sur un dernier point : nous ne savons pas exactement ce que Nostradamus a écrit ou publié mais nous savons ce qu’il n’a pas écrit ni publié et la principale question débattue actuellement est la suivante : est-ce que ces éditions datées de 1555, 1557 ou 1568 qui ont été conservées et ont même été reproduites depuis une vingtaine d’années- et celles là seulement - sont bien parues aux dates indiquées ? Maintenant que quelque chose ait pu paraître sous le nom de Prophéties avec un autre contenu, voire avec une Epître dédiée à César, différente de celle que nous connaissons, du vivant de Nostradamus, est une autre affaire (cf. infra) et nous savons qu’Antoine Couillard, en 1556, dans ses Prophéties - et le titre ne fut probablement pas choisi par hasard - en témoigne et c’est d’ailleurs en raison même de ces Prophéties que par la suite on publiera d’autres textes sous ce titre. Parler de relief, de topographie, de géographie, de la production nostradamique, c’est chercher à déterminer comment celle-ci était structurée, de combien de genres différents elle était constituée.

   Un chercheur bordelais, Gérard Morisse, préparant une réédition de l’édition Antoine du Rosne, 1557 - exemplaire de Budapest - a retrouvé l’indication manuscrite, datée de décembre 1557, de l’envoi de “vingt cinq exemplaires” des Prophéties, de Lyon pour Rouen, conjointement à des centaines d’almanachs et de pronostications et même de Présages ; il s’agit d’un document concernant le libraire lyonnais Guillaume Guéroult conservé aux Archives Départementales de la Seine Maritime, Tabellionage de Rouen, 2eme série.28 Mais la question reste posée : quel était le contenu de ces Prophéties ? Nous ne pouvons nous en faire une idée que par ce qu’en dit Couillard, lequel ne cite aucun quatrain d’aucune sorte ; d’ailleurs en 1556, nous ne pensons pas que Nostradamus avait commencé à placer des quatrains dans ses almanachs; il est probable que le premier almanach à quatrains ait été celui pour 1557, dédié à Catherine de Médicis, car nous considérons la Pronostication pour 1555 “avec quatrains” pour faux. Rappelons notre distinguo : une contrefaçon, c’est ce qui prend la place de quelque chose qui a existé, un faux c’est un document qui ne correspond à rien qui ait existé de semblable. Dans le cas des Centuries, nous dirons que les quatrains sont une contrefaçon car Nostradamus a bien composé des quatrains, dans ses almanachs, nous dirons que le titre de Prophéties est également une contrefaçon car Nostradamus a probablement publié un ouvrage sous ce nom - vraisemblablement des “vaticinations perpétuelles” comme en publieront divers “disciples” et imtateurs de Nostradamus, à partir des années 1560, en revanche, nous dirons que lui attribuer la paternité et la publication - tant de son vivant que de façon posthume - de Centuries de quatrains relève du faux. Ces “Prophéties”, faut-il le noter, eurent un bien maigre succès, puisqu’on en vendait beaucoup moins, selon le témoignage avancé par Gérard Morisse, que pour les publications annuelles, ce qui est contradiction avec la fable selon laquelle elles auraient eu un impact considérable. Mais assurément, nous comprenons mieux pourquoi on put sans trop de scrupules publier des Prophéties sous le nom de Nostradamus, puisque cela correspondait à la réalité, à ce détail près que leur diffusion était bien plus faible, ce qui explique qu’aucun exemplaire n’en ait été conservé et qu’on ne les connaisse que par ce qu’en écrit Couillard. La production de Nostradamus comportait donc quatre catégories, dans les années 1557-1558 : les almanachs, les prognostications, les présages et les Prophéties. Notons cependant que le privilège du 14 octobre 1556, accordé à Jacques Kerver ne mentionne que les trois premières “Almanachz, Présages & Pronostications de maistre Michel de Nostradamus”.29 On notera que le dit Privilège du Roy concerne aussi bien le libraire parisien Kerver que le libraire lyonnais Jean Brotot (Antoine Vollant, associé de Brotot, n’est pas mentionné). Le document en question n’indique pas à qui le privilège de faire paraître des Prophéties avait été accordé. On peut d’ailleurs penser que le privilège concernant les Prophéties pourrait fort bien avoir été accordé à Macé Bonhomme, dès lors qu’on dispose d’une permission datant du 30 avril 1555 : “Sur ce que Macé Bonhomme Imprimeur demeurant à Lyon ha dict avoir recouvert certain livre intitulé Les Propheties de Michel Nostradamus etc, et que l’on trouve repris dans la fausse édition de 1555 des Centuries. Quel mélange de vrai et de faux !

   Gérard Morisse montre en détail dans la présentation du reprint de l’exemplaire de Budapest30 que l’étude des lettrines, des caractères, de la mise en page met en évidence le sérieux avec lequel le travail fut réalisé, que cela ait été le fait de faussaires ou celui des ateliers des libraires concernés ; cela ressort de la comparaison des dites éditions avec des publications d’autres oeuvres par Macé Bonhomme et Antoine du Rosne. Concluons, pour notre part, que les faussaires ont exactement procédé comme G. Morisse, en prenant pour modèle des publications qui ne concernaient pas nécessairement Nostradamus, parues chez ces mêmes libraires et dont nous savons qu’elles furent conservées puisque nous en disposons encore de nos jours, sinon, d’ailleurs, comment ferait-on la comparaison ? Bien plus, on peut penser que si Macé Bonhomme fut choisi, c’est soit parce qu’il avait effectivement publié des Prophéties de Michel Nostradamus (cf. supra) mais avec un tout autre contenu, soit parce que les faussaires disposaient d’une riche documentation concernant sa production, sinon ils eussent choisi un autre libraire pour lequel ils étaient mieux achalandés. Pour Antoine du Rosne, il n’y avait apparemment pas la même liberté de manoeuvre si l’on admet que les faussaires souhaitaient “placer” les Centuries chez un libraire ayant déjà publié quelque chose où Nostradamus avait sa (modeste) part, à savoir la traduction de la Paraphrase de Galien. M. Morisse note à ce propos : “On trouve la gravure, peut-être financée à l’origine par Nostradamus lui-même, récupérée par du Rosne auprès de Macé Bonhomme, vraisemblablement cette fois pour représenter Galien, et non plus un astrologue comme ce fut la raison d’être de son utilisation sur les Prophéties de 1555.” L’hypothèse de la vignette représentant Galien est de notre fait; en revanche, nous pensons qu’aucune vignette authentique représentant Nostradamus soit antérieure à 1557 puisque le passage de Galien à Nostradamus n’a pas eu lieu, selon nous, avant cette date, la vignette servant par la suite en tête des Pronostications, on la trouve encore en tête de la Prognostication pour 1562 (Bayer. Bib. Munich).

   Oui, les faussaires nous font voyager dans le temps. On s’y croirait ! Faute de maîtriser le futur, les hommes, depuis longtemps, ont appris à gérer le passé et à l’arranger, toute imitation l’est forcément du passé, imite-t-on l’avenir ? Telle serait justement la tâche du prophète s’il existait. Entre P. Guinard qui nous explique que les événements de la Ligue ont été à coup sûr annoncés dans les Centuries - pour ne pas parler de l’holocauste de Mathieu Barrois - et G. Morisse qui vient triomphalement nous confirmer que les faussaires ont bien suivi leur modèle, à quelques décennies d’écart - comme cet expert en art qui s’extasierait en face d’une copie “bien imitée” ! - nous voilà bien avancés ! Ce que d’aucuns ne veulent pas comprendre, c’est que la question n’est pas de savoir où cela a été bien imité mais où cela ne l’a pas été, que cela ait été repris de quelque ouvrage de Nostradamus ou d’une édition d’un libraire de son temps et cela est une tâche bien plus délicate et jamais achevée : la seule question qui compte est “qu’est-ce qui cloche ?” Si le prophétisme a droit de cité, il constitue ipso facto un modèle auquel le nostradamologue se doit de se référer afin de déterminer si tel quatrain s’inscrit dans un tel schéma, ce qui exige une certaine connaissance du corpus prophétique et néo-prophétique et de ses avatars, d’où l’intérêt de prendre connaissance, dans toutes les bibliothèques universitaires de France, en sa totalité, de notre TPF.31 Le problème, c’est qu’il suffit qu’un seul quatrain, voire un seul verset, n’obéisse pas à un certain seuil de tolérance sur ce que le prophète peut raisonnablement annoncer, qu’il ne s’explique pas du seul fait de la polysémie des expressions choisies, pour que tout l’édifice centurique bascule et se trouve chronologiquement déclassé, car suffirait-il que quelques quatrains fussent bien imité ou tout simplement repris de tel texte prophétique classique pour oublier les autres, d’autant que bien des textes prophétiques sont suspects de comporter des éléments post eventum, comme on l’admet notamment, du point de vue de la critique biblique, en ce qui concerne le Livre de Daniel, un des ouvrages du canon vétérotestamentaire ? On peut certes être tenté de modifier le dit seuil de vraisemblance: il conviendrait de distinguer la prévision qui touche à des probabilités raisonnables mais restant dans le général et la prédiction qui concerne une dimension individuelle, qui désigne parmi tous les possibles celui qui se réalisera, qui sur des centaines de villes ou de personnes désigne celle qui sera au coeur de l’actualité. Le problème des faussaires, c’est que la mémoire historique des gens est de très courte durée, c’est-à-dire que ce qui est censé avoir été prévu ne saurait remonter qu’à très peu de temps avant la parution de la prédiction: qui se souviendrait des événements de Saint Quentin (1557) ou de Tours (1562) dix ans après les faits ? Contrairement à ce que d’aucuns imaginent, l’Histoire, dans le souvenir des peuples, est éphémère, ce qui importe pour telle génération est devenue chose étrangère pour les générations suivantes et c’est pourquoi tant de quatrains ne sont pas identifiés, parce qu’ils relèvent d’une événementialité à très court terme et très vite vouée à l’oubli, de ce que l’on appelle curieusement la ”petite histoire”. Quant à la “grande” histoire, elle ne saurait suffire et de très loin à remplir les cases vides des quatrains - tout comme on ne saurait tous, pour ceux qui y croient, être la réincarnation d’un personnage resté célèbre : déjà la lecture du Janus Gallicus qui se veut un commentaire historique rétrospectif donc déjà peu ou prou sélectif, avec quelque recul, concerne bien souvent des événements qui pour l’homme d’aujourd’hui, sont devenus parfaitement exotiques.

   Il ne saurait y avoir en matière de recherche nostradamologique de fait accompli, il est nécessaire de se remettre régulièrement en question, de retrouver une certaine liberté de penser en évacuant d’anciennes représentations qui ont fait leur temps et qui ne tiennent plus que par la force de l’habitude. On songe à Hercule et aux Ecuries d’Augias. Peut-être manque-t-il à certains quelque bon sens qui permette de discerner le faux de l’authentique, non seulement au niveau du texte mais à celui du récit ; ils préfèrent s’en tenir à des faits bruts et supposés minimaux plutôt qu’à une construction reposant sur leur propre jugement auquel ils ne font guère confiance.

Jacques Halbronn
Paris, le 23 avril 2004

Notes

1 Cf. “Un homme de la Renaissance face aux tragédies du XXe siècle”, Espace Nostradamus. Retour

2 Cf. “Nostradamus, Duns Scot et Zénon l’Isaurien”, Espace Nostradamus. Retour

3 Cf. reprint, in Cahiers Nostradamus, n°1, Mars 1983. Retour

4 Cf. Nostradamus, le mythe et la réalité. Un historien au temps des astrologues, Paris, R. Laffont, 1999, p. 211. Retour

5 Cf. notre étude à ce sujet, sur Espace Nostradamus. Retour

6 Cf. notre communication, “The importance of Comets for the Cause of Astrology ; the Case of Pierre Bayle in the Years 1680-1705”, Colloque Astrology and the Academy, Dir. N. Campion, P. Curry, M. York, Bristol, Cinnabar Books, 2004. Retour

7 Cf. Nostradamus, ses origines, sa vie, son œuvre, Bergerac, 1972, Reed. Marseille, Lafitte, p. 80 ; dans le même sens, L. Schlosser, La vie de Nostradamus, Paris, P. Belfond, 1985, pp. 214 - 215. Retour

8 Aix, 1701, Bib. Méjanes, reprint Feyzin, Ed. Ramkat, 2001. Voir aussi manuscrit de l’Abrégé de la Vie et de l’Histoire de Michel Nostradamus, ibidem, p. 67 et P. Brind’amour, Nostradamus astrophile, Ottawa, 1993, p. 23. Retour

9 Cf. Le texte prophétique en France, Lille, microfiches, ANRT, p. 1069. Retour

10 Cf. sur ce passage, R. Benazra, “Une réflexion sur la lettre à César”, sur Espace Nostradamus. Retour

11 Cf. notre étude sur 133 quatrains, sur Espace Nostradamus. Retour

12 Cf. “Les prophéties et la Ligue”, Colloque, Prophètes et prophéties, Paris, Presses de l’Ecole Normale Supérieure, 1998. Retour

13 Cf. notre étude sur les quatrains censurés, sur Espace Nostradamus. Retour

14 Cf. RCN, op. cit., pp. 186-187. Retour

15 Cf. Bibl. Lyon La Part Dieu, 340725. Voir RCN, pp. 175-176, où la mention par Naudé n’est pas signalée. Retour

16 Cf. RCN, op. cit., pp. 187 et seq. Retour

17 Cf. RCN,op. cit., pp. 140-141. Retour

18 Cf. The true prophecies or prognostications. Retour

19 Cf. la réponse de R. Benazra à propos de Plutarque et l’Epître au Roi, sur Espace Nostradamus. Retour

20 Cf. J. Dupèbe, Nostradamus, Lettres Inédites, Genève, Droz, 1983. Retour

21 Cf. P. Rollet, Nostradamus, Interprétation des Hiéroglyphes de Horapollo, Raphèle-les-Arles, Marcel Petit - C. P. M, 1983. Retour

22 Cf. nos études sur ces nombres, auxquels il faut ajouter les 35 quatrains de la centurie VII, telle qu’elle apparaît dans l’édition d’Anvers, 1590, sur Espace Nostradamus. Retour

23 Cf. le débat avec Théo Van Berkel, sur Espace Nostradamus. Retour

24 Cf. Les premières Centuries ou Prophéties, Genève, Droz, pp. 212-213. Retour

25 Cf. “Les prophéties de Nostradamus : Suivez la Guide”, Réforme Humanisme Renaissance, 23, 1986. Retour

26 Cf. son Inventaire général de l’Histoire de France depuis Henri II jusques à la fin, vol. 4, Paris, A. Saugrain & G.des Rues, 1600, pp. 157-179, BNF 8° L35 69 (A). Retour

27 Cf. Le mythe et la réalité. Un historien au temps des astrologues, Paris, R. Laffont, 1999, pp. 25 et seq. Retour

28 Cf. l’article de Claude Dalbanne, “Robert Granjon, imprimeur de musique” in revue Gutenberg-Jahrbuch, 1939, p. 232, Réserve de la Bibl. Ste Geneviève, Paris, 4 AE SUP 2566. Retour

29 Cf. nos DIPN, pp. 201-202. Retour

30 Cf. la présentation de R. Benazra, pour le même exemplaire, Lyon, M. Chomarat, 1993. Retour

31 Cf. Texte Prophétique en France, formation et fortune. Retour



 

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