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ANALYSE

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Vocation première et usage des Centuries

par Jacques Halbronn

    Si nous avons insisté sur le fait qu’il fallait prendre en compte des événements postérieurs à 1555 pour trouver l’origine de certains quatrains, il apparaît, en revanche, que l’origine d’autres quatrains serait bien antérieure à la période d’activité de Michel de Nostredame. Ce qui nous conduit à nous demander quel fut véritablement l’apport original des Centuries, quel qu’en ait été l’auteur : il semble bien que ce qui comptait n’était pas tant le contenu des quatrains que le mode d’emploi de ceux-ci, dont on sait qu’il laisse apparemment une grande liberté à l’interprète, aucun ordre des quatrains ne semblant avoir à s’imposer.

Sommaire :

1 - Des sources antérieures à Nostradamus
2 - Du mode d’emploi perdu des Centuries
3 - Du caractère posthume des Centuries
4 - Patrice Guinard et les années 1580


1

Des sources antérieures à Nostradamus

    Un des quatrains les plus insolites des Centuries est probablement le 54e de la IVe Centurie. Quatrain, au demeurant important en ce qu’il est le premier de l’addition aux 53 premiers quatrains de cette centurie qui parut, un temps, avec seulement ce nombre de quatrains.

   Dans les éditions parisiennes des années 1588-1589, il est nettement précisé qu’une addition s’est produite après le 53e quatrain et curieusement, comme on l’a déjà fait remarqué ailleurs, les éditions Antoine du Rosne 1557, donc soi disant trente ans plus tôt, présentent la IVe Centurie sans aucune indication d’addition.

   De quoi s’agit-il donc avec ce premier quatrain de l’addition à la série de 53 quatrains, dont nous avons montré par ailleurs qu’elle faisait pendant aux 35 quatrains de la VIIe centurie, 53 étant l’inverse numérique de 35 ?

   Donnons ce quatrain 54 dans son intégralité :

Du nom qui onques ne fut au Roy Gaulois
Iamais ne fut un fouldre si craintif
Tremblant l’Italie, l’Espaigne & les Anglois
Des femmes estraniers grandement attentif.

   Quels commentaires nous en propose-t-on ?

   Jean-Paul Clébert :

   “Le roi français, premier du nom, est de toute évidence François Ier qui fit effectivement trembler l’Italie, l’Espagne et l’Angleterre et qui eut, on le sait, un goût prononcé pour les femmes étrangères en particulier. Il épousera même une Espagnole, Eleonore, Soeur de Charles Quint (“Depuis que le grand roi François premier de ce nom...”, Plaidoyer pour la réformation de l’imprimerie, 1572)”1

   Lemesurier :

Traduction anglaise :
Named by a name no French king ever bore
Never was bolt of Jove so feared by all
Italy, England, Spain shall quake the more
For foreign woman he shall greatly fall.


“Source : King François I, the terror of Italy, Spain and England and a passionare womanizer who in 1530 married the Emperor Charles V’s sister, Eleanor of Spain, and who, in 1515 ; became the first French King ever to bear the name François”

   En revanche, Garencières, en 1672, ne fait pas ce rapprochement :

   “This foretelleth that when a French King shall have a name that never any of his Predecessors had, he shall be so much feared as that Italy, Spain and England shall tremble and that besides he shall be much givent to women.”2

   On notera en passant que sa traduction n’a pas été reprise par Lemesurier, ce qui nous montre qu’un des avantages - qui son revers- pour les chercheurs francophones publiant pour un lectorat francophone, c’est qu’ils n’ont pas à le traduire, ce qui peut aussi signifier qu’ils n’ont pas à le comprendre, ce qui suppose ipso facto une certaine forme d’interprétation :

Of the name that a French King never was
There was never a Lightning much feared
Italy shall tremble, Spain and theEnglish
He shall be much taken with women strangers

   Le problème qui se pose à nous est le suivant : quel intérêt pouvait-il y a avoir à évoquer le souvenir de François Ier, roi de France depuis 1515, à la mort de son oncle Louis XII. Il est vrai que son avènement fut assez laborieux pour François d’Angoulême, puisque le dit avènement dépendait de la naissance d’un fils que Louis XII aurait finalement pu avoir avec Anne de Bretagne. Mais l’on sait que les rois, comme les papes, peuvent changer de prénom lors de leur accession au trône. Est-ce qu’il pourrait s’agir, cependant, d’une prophétie antérieure à 1515 ? Le moins qu’on puisse dire en tout cas, c’est que le premier verset de ce premier quatrain de la partie additionnelle de la IVe Centurie, est censé annoncer l’avènement de François Ier.

   Curieusement, les deux traductions anglaises introduisent un futur qui n’existe pas dans le texte français mais il est possible que cela soit un futur narratif relatant un événement déjà passé. On connaît en hébreu biblique le Vav (soit la conjonction et, en français) renversif qui change un futur en passé : Vayomer - littéralement “et il dira“ signifiant en fait “il déclara”. Il reste que dans l’original français, ce quatrain ne comporte point de mode futur et se présente comme relatant un fait plus ou moins ancien.

   En tout état de cause, pourquoi une addition aux 353 premiers quatrains - selon un scénario dont ceux qui nous lisent attentivement savent qu’il n’est pas le nôtre - commencerait-elle par ou tout simplement comprendrait-elle un quatrain “historique” de ce type ?

   Tout se passe comme si, ce faisant, par un tel ajout, on avait voulu laisser entendre que les Centuries étaient bien antérieures à Michel de Nostredame, qui n’avait que 12 ans lors de l’avènement de François Ier, en 1515, année qui le vit d’ailleurs triompher à Marignan, une des rares dates de l’Histoire de France dont nos compatriotes français, dans leur ensemble, se souviennent.

   Nous allons donc, au cours de cette étude, aborder cette question quelque peu embarrassante de ces versets et de ces quatrains dont l’intérêt prophétique n’est guère évident, du moins au premier abord.

   Nous avions déjà relevé que le Janus Gallicus prétendait débuter son commentaire en 1534 mais en constatant que l’on ne trouvait pas grand chose dans ce sens, avant 1555, hormis un nombre extrêmement restreint de quatrains. Mais 1515 n’est pas 1534 et d’ailleurs le commentaire ne s’arrête pas sur le quatrain IV, 54 et ne s’explique pas sur les recoupements concernant des événements antérieurs à 1534.

   Il convient d’envisager un certain nombre d’hypothèses autour de ce quatrain emblématique qui n’appartient pas à la toute première phase centurique, ce sur quoi chacun s’accordera, ne figurant pas dans l’édition Macé Bonhomme 1555, dont ce n’est pas le lieu ici de rappeler la véritable date de publication.

   Soit, ce quatrain démontre que Nostradamus aurait récupéré d’anciennes prophéties du XVe siècle - comme c’est le cas du Mirabilis Liber qui reprend la Prognosticatio de Lichtenberger, datant des années 14803, et dans certains textes posthumes n’est-ce pas justement cette version qui est accréditée avec cette Pronostication perpetuelle - non datée - recueillie de plusieurs Autheurs par Maistre Michel Nostradamus, Paris, Jean Bonfons, (BNF, Res pT 93) ou ces Predictions pour vint ans (...) Extraictes de divers aucteurs trouvée en la Bibliothèque de nostre defunct dernier décédé Maistre Michel de Nostredame etc, Rouen, Pierre Brenouzer, 1568, BNF, Res pV 715 (1) ?

   Soit, ce quatrain additionnel démontre que l’on aura voulu imiter Nostradamus en recourant aux mêmes procédés que ceux qu’on lui attribuait alors, c’est-à-dire en laissant entendre que celui-ci s’appuyait sur des textes prophétiques qui lui sont antérieurs. On ne voit pas l’intérêt que d’éventuels faussaires auraient eu à parler de François Ier si cette voie rétrospective n’avait pas été préalablement ouverte par Nostradamus ou par ceux qui prétendaient parler en son nom.

   On voit donc qu’un certain nombre d’indices nous conduisent à penser que d’entrée de jeu, les prophéties nostradamiques souhaitaient s’appuyer ou donner l’impression de s’appuyer sur des textes légués par des périodes antérieures à Nostradamus, à l’instar des procédés en cours à propos de la prophétie de la succession des papes de Saint Malachie qui se prétend datée/dater de plusieurs siècles et fournit, à la fin du XVIe siècle, des devises correspondant à certaines caractéristiques, notamment au niveau de leurs armoiries, de papes décédés depuis longtemps.4 Imaginons une prophétie relative aux rois de France et qui sur plusieurs siècles, fournirait pour chacun d’entre eux quelque formule évocatrice, à l’instar de la prophétie des papes.

   Bien entendu, on ne remonte dans le passé que pour avoir l’occasion et le droit de parler du présent et de l’avenir proche, selon ce raisonnement cher aux devins : si je connais ton passé, c’est que je peux aussi te dire la bonne aventure.

   A bien y réfléchir, un pronostic trop récent, à trop court terme pourrait-il nous impressionner et Nostradamus n’est-il pas d’autant plus impressionnant de nos jours qu’il est éloigné de notre temps. Mais pourquoi auront été marqué par ses Prophéties, de son vivant et à sa mort si ce n’est parce que celles-ci étaient censées trouver leur source dans un passé lointain ? Que tel quatrain nous parle de Saint Quentin, défaite militaire française survenue en 1557 ne fait vraiment sens que si le quatrain était connu de longue date et bien avant François Ier, puisque le quatrain IV, 54 traiterait-il de ce roi s’il ne lui était antérieur ?

   En ce sens, nous réfutons la thèse d’un Nostradamus - ou qui que ce soit qui ait écrit certaines centuries, certains quatrains - qui se serait contenté de raconter le passé, le plus récent comme le plus lointain.

   Au fond, l’anglais Peter Lemesurier nous semble avoir vu juste : le titre Les Prophéties de Nostradamus ne signifie pas nécessairement qu’il ne soit question que de ses Prophéties, celles dont il serait l’auteur mais bien de prophéties telles que compilées par Nostradamus, au sein d’une sorte de recueil et dont il serait l’interprète, le commentateur. Ainsi, Nostradamus serait davantage un interprète de textes prophétiques qu’un producteur de prophéties, à l’instar de tous ceux qui commenteront, au cours des siècles, les Centuries, tel un Torné-Chavigny, par exemple, au milieu du XIXe siècle. Le débat concernant la présence de 1792 dans l’Epître à Henri II5 se voit singulièrement relativisé quand on sait que la date en question “traînait” en quelque sorte - ce qu’on appelle un locus, un lieu commun - dans la littérature astro-prophétique depuis le début du XVe siècle, chez Pierre d’Ailly, sinon plus tôt, ce n’est d’ailleurs qu’à la fin du XVe siècle que la prédiction du cardinal fut imprimée.6

   Au vrai, le Janus Gallicus ne prétend-il pas, dans une Seconde Face qui ne paraîtra pas, dire l’avenir en s’appuyant sur des prophéties, comme ce sera d’ailleurs le cas des Pléiades dues à Jean-Aimé de Chavigny, qui mit la dernière main à la Première Face (1594).

   L’image d’un Nostradamus auteur de ses propres textes est probablement associée aux quatrains des almanachs (Présages) mais les quatrains des Centuries sont d’une autre veine et ont d’autres prétentions de par leur anachronisme même qui situe l’origine des prophéties ainsi présentées comme remontant loin dans le temps. D’ailleurs le JG parle bien des “commentaires de M. Michel de Nostredame”, en son titre et nous pensons que les Centuries se présentèrent au départ très différemment de la forme qui nous en est conservée ; elles s’accompagnaient d’un commentaire tout comme la Prophétie de Saint Malachie et laissait bien entendu de nombreux quatrains non commentés, ouvrant sur l’avenir et l’on sait que le texte pseudo-malachien est encore d’actualité en ce début de XXIe siècle, du fait du grand nombre de devises restées non attribuées lors de son lancement à la fin du XVIe siècle, dans le but d’interférer avec les élections pontificales en cours.

   Il est possible que certains commentaires des quatrains aient pu finir par s’intégrer dans le texte prophétique lui-même, selon un processus assez commun.7 Peut-être certains commentaires se présentaient-ils sous forme versifiée ? On pense au quatrain campant “le duc d’Albe” et le “grand de Guise”, dont l’affrontement le plus significatif se situe en décembre 1556 (VII, 29) figurant dans cette centurie VII à 35 quatrains que nous avons considéré comme complémentaire de la centurie IV - et offre un caractère d’incomplétude comme la IV, à un stade de sa formation - et qui, dans l’édition d’Anvers, 1590, laquelle est pour nous plus authentique - mais certainement pas cependant la première mouture de la dite Centurie - que celles qui comportent davantage de quatrains, se trouve au quatrain XXIV et non pas XXIX - du fait d’interpolations de nouveaux quatrains - avec une variante au 4e verset : Captif mené & dressé mouvement au lieu de monument.

   A partir de quand est-on passé d’un Nostradamus commentateur à un Nostradamus prophète stricto sensu ? Quand on a commencé à publier les quatrains sans les commentaires qui les accompagnaient car, dès lors, on fut bien obligé de considérer, par élimination, que l’apport de Nostradamus était dans les quatrains eux-mêmes puisque on ne trouvait plus que cela.

   Nous sommes finalement d’accord avec Peter Lemesurier pour parler de “borrowings by Nostradamus from earlier collections of prophecies”8, mais nous pensons que les premières éditions ne sont pas celles qui nous sont imposées par des faussaires et qu’elles étaient plus explicites sur leur caractère de recueil de prophéties ainsi que pourvues d’un commentaire disparu. Enfin, nous pensons que les prophéties ainsi rassemblées étaient probablement en partie fabriquées de toutes pièces post eventum. Le parallèle dressé par Lemesurier entre la Prognosticatio de Lichtenberger et les Centuries nous paraît pertinent du fait du mélange de considérations d’ordre astrologique et de commentaires de texte prophétiques comme celui attribué à Sainte Brigitte, on est dans le syncrétisme astro-prophétique, genre assez déroutant qui combine données scientifiques mais parfois douteuses et textualité plus ou moins figée mais qui peut être retouchée, sans que l’on cherche alors à en comprendre le fondement, puisque c’est “prophétique”.

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2

Du mode d’emploi perdu des Centuries

    En fait, nous pensons que ce qui fit, au départ, la spécificité des Centuries tint moins au contenu qu’au mode d’emploi - perdu - qui en était proposé. Pour un spécialiste de l’histoire de la divination, un ensemble comme celui des quatrains centuriques doit être analysé au regard du traitement qui en a été fait : le cas de Crespin et celui du Janus Gallicus nous renseigneront.

   Signalons que le terme Prophéties prête quelque peu à confusion. On peut en distinguer plusieurs acceptions :

     1 - Textes associés à un cadre chronologique précis, comme dans le cas de quatrains placés au sein d’un almanach annuel : “prophéties pour un an”, “d’an en an”.

     2 - Textes tirés d’un corpus prophétique et placés en position oraculaire, concernant un personnage ou un pays précis.9

     3 - Commentaire inspiré par des textes jugés prophétiques et comportant à leur tour une dimension prophétique appliquée à une période donnée.10

   Il y a deux façons de se servir d’un matériau prophétique, soit en le commentant, soit en l’appliquant à un objet donné, comme semble l’avoir fait Antoine Crespin, dans ses Prophéties dédiées à la Puissance Divine et à la Nation Française (dont on a deux versions toutes deux parues en 1572, cf. nos DIPN). Il semble que Crespin ait établi une liste de personnages et leur ait à chacun “adressé” un oracle, en extrayant du corpus centurique connu à son époque, à savoir six centuries et une addition de 39 quatrains, des versets. Nous avons pu, avec la collaboration de Robert Benazra, identifié ces versets tirés au hasard et combinés entre eux artificiellement. Un tel procédé relève de ce qu’on appelle la bibliomancie, comme c’est le cas des cartes du Tarot ou du I Ching (ou Yi King) que l’on tire avec trois pièces de monnaie ou des baguettes d’achilée.11 Mais avec les Centuries, le nombre de combinaisons est infiniment plus élevé que pour les 78 lames du Tarot ou les 64 hexagrammes du I Ching. Avec une base de 600 quatrains, on en arrive déjà à 2400 versets, fonctionnant comme des modules distincts, pouvant se combiner entre eux deux par deux ou trois par trois. D’ailleurs, cette façon de “tirer” des quatrains ou des versets et qui faisait des Centuries, au départ, un livre offrant des applications divinatoires, dès lors que l’on posait une question sur ce qui arriverait à telle date, expliquerait que l’ouvrage lui-même ait pu dès l’origine ne pas comporter de cadre chronologique précis, celui-ci étant déterminé par l’utilisateur; on peut en revanche supposer que le dit ouvrage devait comporter quelque mode d’emploi aussi succinct fût-il, ce qui n’est le cas dans aucune édition conservée. En outre, la façon assez libre dont le commentaire figurant dans le Janus Gallicus exploite les quatrains, les sélectionnant non point certes, cette fois, au hasard, mais à sa guise, nous semble confirmer un usage par voie de tirage, impliquant une absence d’ordre à respecter: dans le Tarot, bien que les lames soient numérotées, elles n’en sont pas moins distribuables selon un nombre infini de combinaisons. Il y aurait donc eu deux utilisations des Centuries : l’une divinatoire et oraculaire, fonction d’un tirage aléatoire et concernant le futur et l’autre rétrospective et conduisant l’utilisateur pensant à un événement donné à parcourir les quatrains jusqu’à ce que son attention soit attirée par l’un d’entre eux.

   En conséquence, l’étude de ces “extraits” Crespin et le recensement de quatrains qui ressemblent à des interprétations plutôt qu’à des oracles - et à ce propos nous renvoyons au texte pseudo-malachien où un certain nombre de devises latines sont accompagnées de leur explication tandis que d’autres restent - provisoirement - sans commentaire - nous conduit à penser que les premières éditions des Centuries, celles parues avant 1572 - et il y en a eu au moins deux : à six centuries plus une nouvelle édition augmentée de 39 articles après la dernière, laquelle s’achevait par le Legis Cautio, avertissement en latin - devaient comporter un mode d’emploi et un commentaire ainsi que probablement une notice biographique relative au défunt Michel de Nostredame, avec une mouture de l’Epître à Henri II distincte, par son contenu (cf. la version Besson) de celle qui figurera par la suite dans le canon centurique.

   Rappelons que l’idée d’un mode d’emploi manquant avait déjà été abordée à propos des sixains dont la clef ne figure pas dans les éditions des Centuries qui les comprennent, sinon sous forme manuscrite; nous avons retrouvé et reproduit une édition séparée des sixains munie d’un décodage. (cf. nos DIPN)

   Il est évident que si l’on peut tirer comme on l’entend les quatrains, on a bien affaire à des Vaticinations Perpétuelles. Peut-on imaginer l’astrophile Michel de Nostredame lançant sur le marché un tel système divinatoire ? En tout cas, un tel procédé était susceptible de se substituer à l’astrologie, de par sa simplicité même et c’est d’ailleurs ce qui se produisit au XVIIIe siècle, où toutes sortes de modes de divination - notamment à caractère géomantique et à destination des “dames” - se déployèrent aux dépens de l’astrologie jugée d’un maniement par trop complexe.

   On verrait, dès lors, de façon plus crue, ce qu’il pourrait y avoir de scandaleux à attribuer un tel “jeu” à Michel de Nostredame, lui, dont la pierre tombale, célébrait sa réputation d’observateur de l’influence des astres et pourtant on doit se demander comment Nostradamus composa les quatrains de ses almanachs.12 Il semble bien qu’il ait tiré au hasard de brefs oracles, qu’il mettait bout à bout en les faisant rimer, ce qui est l’inverse des bouts-rimés, où seules les rimes sont fixées à l’avance. Au fond, en procédant ainsi, Nostradamus n’était pas très loin du scrabble et du domino et de ses 28 pièces.

   La notion même de “vaticination perpétuelle” nous semble d’ailleurs elle aussi relever d’une astromancie de bas étage. On notera que les Prophéties Perpétuelles de Moult datent des années 174013 et correspondent à une disparition à peu près totale des liens réels entre astronomie et astrologie et à la mise en place de liens fictifs, ce qui conduira au XIXe siècle à une astrologie onomantique.14

   Sans une triple culture - astrologique, prophétique et divinatoire - voire sans une connaissance des jeux de société dont Patrice Guinard est par ailleurs un grand connaisseur - il nous semble donc bien difficile d’appréhender la portée du phénomène centurique. De nos jours, rares sont ceux qui utilisent les Centuries à la façon du Yi King ou du Tarot; on pourrait aussi songer aux livres d’emblèmes, comme ceux d’Alciat, comportant images et commentaires ou aux passe-temps de fortune qui se pratiquaient au XVIe siècle au moyen de dés. Est-ce par hasard si l’on a choisi Macé Bonhomme pour libraire d’une édition antidatée à 1555 des quatre premières centuries, lui qui publia en 1551 les Emblemata d’Alciat, dont P. Guinard a montré15 que le troisième quatrain de la première centuries avait pu être composé, pour l’un de ses versets, à partir d’un commentaire de Barthélémy Aneau de la traduction française, les Emblèmes, Lyon, G. Roville, 1549 (cf. infra), ce qui laisserait d’ailleurs entendre, selon nous, que certains quatrains auraient pu aussi être constitués selon un processus de tirage.

   Il suffirait de décomposer en petites unités les quatrains des almanachs et chacun les recombinerait par le tirage, en une sorte de centuromancie. Le Janus Gallicus d’ailleurs n’hésite pas à déconstruire les quatrains de la sorte. On voit donc que Crespin nous éclaire en redécomposant à nouveau les quatrains centuriques pour leur conférer de nouvelles applications, n’exigeant aucun commentaire; il nous explique ainsi que la matière centurique est infiniment malléable et recomposable. Il n’a guère été entendu mais il n’est pas trop tard pour bien faire. Ce sont bien les tout premiers utilisateurs des Centuries qui doivent nous servir de guide. Or, si le Janus Gallicus ne parut qu’en 1594, bien des indices, selon nous, nous montrent qu’il avait repris, ne serait-ce que partiellement, un commentaire sensiblement plus ancien, datant probablement de la même époque que les Prophéties dédiées à la Puissance Divine de Crespin (1572).

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3

Du caractère posthume des Centuries

    Le fait que cette Epître-Préface aux Centuries - dont la redatation pour juin 1558 est attestée par Crespin - ait récupéré les circonstances - celles du seul et unique voyage de Nostradamus à Paris - qui présidèrent à la parution de l’Epître à Henri II datée de janvier 1556, placée en tête des Présages Merveilleux pour 1557 - procédé que Michel de Nostredame n’aurait pu adopter - montre bien, in fine, qu’il s’agit là d’une contrefaçon faite à son insu et à sa mort, en recourant peu ou prou - pour apporter un cachet d’authenticité - à des documents imprimés ou inédits qu’il avait laissés dans sa “bibliothèque”. C’est bien la thèse d’une parution posthume qui nous semble la plus satisfaisante et la plus vraisemblable ; ne nous ont été conservés que des éditions tardives, appartenant à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle et qui ne se situaient plus alors dans la logique d’une parution au lendemain de la mort de l’homme Nostradamus. On n’aurait pas grand mal à trouver des cas où les premières éditions posthumes se référent à l’auteur récemment disparu tandis que les éditions suivantes ne font plus la différence entre les ouvrages parus du vivant de l’auteur et ceux parus à sa mort: dans bien des cas, d’ailleurs, on serait surpris d’apprendre que tel ouvrage célèbre d’un auteur ne fut publié qu’après sa mort, comme ce fut le cas de l’Astrologia Gallica de Jean-Baptiste Morin, parue à La Haye en 1661, alors que l’astrologue était décédé depuis 165516, mais c’est aussi le cas des Pensées de Pascal, mort en 1662, ouvrage pourtant resté inachevé ; dans le cas de Copernic (mort en 1543) et de Spinoza (mort en 1677), leurs principaux travaux parurent peu après leur décès. Imaginons quelque biographe zélé qui indiquerait que Spinoza aurait publié son Ethique ou son Tractatus Theologico-politicus de son vivant, en s’appuyant sur telle date de rédaction pouvant y figurer et qui, à l’occasion d’une réédition, par ignorance, publierait des livres comportant une telle date sur la page de titre. De fil en aiguille, ne serait-on pas parvenu à la situation qui est celle de la bio-bibliographie nostradamique telle qu’encore actuellement défendue par une majorité de nostradamologues ?

   Le corpus nostradamique a évolué au fil de contextes politique successifs, il n’y a rien d’étonnant à cela tout comme le corpus astrologique s’est transformé au fils des découvertes astronomiques, ajoutant ainsi au noyau initial du septénaire (luminaires plus Mercure, Vénus, Mars, Jupiter et Saturne) des planètes supplémentaires et notamment celles que l’on appelle les transsaturniennes (Uranus, Neptune et Pluton). Certains astrologues s’échinent à soutenir, avec quelque acrobatie, que ces nouvelles planètes étaient déjà agissantes dès l’origine17 tout comme nombre de nostradamologues voudraient que tout le canon centurique ait été présent dès le départ, comme s’il était si difficile d’accepter que des additions aient pu intervenir en cours de route, sans parler de ceux qui veulent que Nostradamus ait connu les planètes transsaturniennes voire la date de leur découverte.18

   Il y a donc là un malaise qui n’est pas propre aux seules recherches autour de Nostradamus : ce qui est en amont serait forcément plus vrai que ce qui est en aval, d’où le refus de reconnaître qu’il y ait un amont et un aval, qu’il y ait un commencement et une suite car la suite ne peut que constituer un deuxième temps, un temps second. Même dans le discours chrétien, ne trouve-t-on pas cette tentation de voir ce qui vient après déjà inclus dans ce qui est venu après ? Au fond, ne s’agit-il point là d’une certaine peur du temps, de chronophobie ? Admettre que les choses se soient déroulé en plusieurs temps serait donc fort peu recommandé/recommandable car ce qui vient s’ajouter est a priori suspect : ce serait quelque chose à ne jamais avouer. Et de fait, ce qui vient après est moins enraciné, moins prégnant, et cela vaut pour l’emprunt, pour la dette; sous toutes ses formes. On comprend ainsi pourquoi il nous faut lutter contre cette tentation d’inverser le cours des choses en quête d’une source mythique, d’un auteur porteur ou dépositaire d’un savoir total.

   Il est quand même étrange de devoir observer à quel point l’idée d’un processus se développant par étapes est insupportable à certains comme si l’on ne pouvait se fier qu’à la transcendance, et se défier de ce qui était “humain, trop humain”, attitude franchement anti-humaniste. Si l’on s’en tient à une certaine idée du prophétisme comme révélation, il est vrai que les prophètes sont rares, ce sont des sortes de médiums, de channels, bénéficiant d’une inspiration qui ne saurait être donnée au premier venu. Affirmer, comme nous le faisons, que le corpus centurique est le résultat d’une création collective et non l’oeuvre du seul Prophète Nostradamus serait ainsi non seulement sacrilège mais ôterait toute crédibilité au dit corpus. Le même problème s’est posé pour la critique biblique : on aurait voulu que tout l’Ancien Testament fût l’oeuvre de Moise mais peu à peu ceux qui souhaitaient préserver leur foi en arrivèrent à admettre que certaines additions pouvaient aussi être inspirées divinement.19 En fait, au travers des controverses autour de Nostradamus, l’enjeu ne serait-il pas celui de la transcendance ? On remarquera que le problème se retrouve pour le débat autour de l’astrologie entre ceux qui veulent que la réalité astrologique soit immuable mais que les hommes ne la découvrent que progressivement et ceux qui, comme nous, pensent que bien des choses qui ont été inclues dans le corpus astrologique non seulement ne s’y trouvaient pas initialement mais ne correspondaient nullement à un état antérieur inexploré. Il est vrai que dans le cas de l’astrologie, la dispute est singulièrement compliquée par le fait que les astres que l’on a découvert par la suite et notamment à partir du XVIIe siècle, du fait de la lunette de Galilée et de ses perfectionnements au cours des siècles suivants, ont bel et bien toujours existé, tout comme d’ailleurs on pourrait arguer du fait que les mots ayant servi à composer les quatrains ou les centuries greffés tardivement existaient précédemment. Mais ces astres invisibles dans l’Antiquité ne furent donc pas utilisés pendant les millénaires où les hommes mirent en place leurs relations avec leur environnement cosmique. Et revient la formule de Ludwig Feuerbach (1804-1872) : Dieu a-t-il été crée à l’image des hommes ou l’inverse ? On appelle narcos par opposition à hypnos, nous rappelle notre ami Scarabelli, le processus qui conduit de l’inconscient vers le conscient et ce qui nous intéresse, c’est d’abord de retrouver les structures premières posées par les hommes et par eux divinisées. En tout état de cause, si l’on considère Nostradamus comme un prophète, alors il faudrait exclure de son oeuvre une grande partie du corpus centurique. Mais ceux qui veulent plus simplement poursuivre une tradition exégétique consistant à rechercher dans les quatrains un écho des événements qui se produisent ou qui se profilent ne devraient guère être gênés par des recherches qui ont parfaitement leur raison d’être, du point de vue d’une certaine exigence intellectuelle laquelle ne saurait se mettre en veilleuse ou se saborder au nom de quelque transcendance mal comprise, à moins de considérer les nostradamologues comme une secte voire comme une nouvelle religion pas encore assez forte et assez installée, à la différence du christianisme, pour tolérer les questionnements de la critique. Que certains aient gardé le souvenir et la nostalgie de leurs premières rencontres de jeunesse avec les Centuries est certes touchant, mais le temps du sevrage n’est-il pas advenu ?

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Patrice Guinard et les années 1580

    Dans la dernière livraison (avril 2004) du CURA, P. Guinard ne publie pas moins de quatre articles consacrés à Nostradamus ; on s’intéressera notamment à celui qu’il signe : “Le quatrain 23 de la centurie VI et la critique des méthodes dites rationalistes”20 Nous avions déjà diagnostiqué une ligne de fracture entre nostradamologues, à savoir entre ceux qui ne veulent pas attribuer aux quatrains des événements postérieurs à 1555, 1557 ou 1558 et ceux qui pensent que certains quatrains sont à rattacher à des événements sensiblement plus tardifs. Avouons que pour nous, au premier abord, un tel débat ne paraît pas toucher à l’essentiel et que nous nous trouvons, jusqu’à nouvel ordre, en quelque sorte en position de neutralité. Que dans les Centuries, il y ait des quatrains qui traitent de périodes assez reculées, nous venons d’en traiter plus haut, dans le présent dossier et nous adhérons largement aux thèses de Lemesurier selon lesquelles ce qu’on a appelé les Prophéties de Nostradamus constituent un recueil de pièces prophétiques ou pseudo-prophétiques de diverses époques. Nous préciserons cependant que certains documents utilisés pour composer les quatrains centuriques ne sont pas à l’origine à caractère prophétique mais qu’on a voulu leur conférer ce caractère, mais n’est ce pas là, finalement, du genre prophétique que de combiner événements historiques connus des lecteurs et censés avoir été annoncés avant terme et discours sur un avenir immédiat ou plus lointain et qui souvent annoncent des événements qui ne se matérialisent pas et restent ainsi en suspens ? Car, on ne saurait imaginer un instant que tous les quatrains ou mieux encore tous les versets correspondent nécessairement, comme semble le laisser entendre P. Guinard, à des événements déjà connus, qu’ils soient antérieurs ou postérieurs aux années 1550 : il y a certainement beaucoup de déchet.

   P. Guinard n’a pas tort lorsqu’il conclut : “Il faut tout autant d’imagination pour croire trouver les quatrains de Nostradamus dans son passé que dans le nôtre et les explications données avec ces présupposés sont tout aussi controuvées que les autres”, à ce détail près cependant - et ce n’est peut-être pas qu’un détail - qu’il est tout de même plus légitime, a priori, de rechercher dans un texte qu’il fasse écho à ce qui le précède qu’à ce qui lui fait suite, encore que parfois un effet d’annonce puisse provoquer un événement. Mais il peut également sembler surprenant comme le note P. Guinard que “celui qui a écrit (...) l’ouvrage le plus réédité après la Bible (...) ne devien(ne) qu’un simple faiseur de quatrains qui recopie des chroniques de l’époque”. Personne n’a dit que les quatrains se réduisaient à cela mais force est de constater que nombre de quatrains étaient voués à être vérifiés par le lecteur sur la base de l’Histoire connue, comme c’est d’ailleurs toujours le cas de nos jours. Le mécanisme qui fait que le public soit impressionné par la lecture de certains quatrains a-t-il vraiment changé entre le XVIe et le XXIe siècle ? Croit-on que la réputation - que nous pensons posthume et ne concerner que certaines Centuries - de Nostradamus ait pu jamais s’établir, lors des toutes premières éditions, uniquement à partir de ce qu’il annonçait ou que l’on croyait qu’il annonçait ? Pour des chercheurs comme Lemesurier ou comme nous-mêmes21, familiers du genre prophétique bien au delà du seul phénomène Nostradamus, il était proposé au lecteur une anthologie de pièces dont certaines étaient vérifiées et vérifiables et d’autres non, de façon précisément à fonder une tradition prophétique. Croit-on en effet que l’on eut pu considérer Nostradamus comme prophète s’il n’y avait eu des précédents. Pour être pris pour prophète, encore fallait-il prouver que le prophétisme existait. A entendre P. Guinard, Nostradamus était une sorte d’OVNI proposant quelque chose de jamais vu alors qu’il n’était au mieux que le successeur et l’adepte de générations de prophètes ayant déjà balisé les siècles passés. Evidemment de nos jours, les perspectives sont quelque peu biaisées tant le phénomène Nostradamus obstrue désormais le paysage, donnant ainsi l’impression de se suffire à lui-même avec tous les commentaires qui souvent accompagnent les quatrains, et qui sont reliés à des événements s’étalant sur une longue durée mais tel n’était évidemment pas le cas dans les années 1560-1570 : Nostradamus n’était pas le seul prophète et il n’était en fait que le dernier en date, le moins confirmé. Il fallait bien qu’il se hissât sur les épaules de ses aînés. Il faut montrer que des prophéties ont marché dans le passé et annoncé des événements jugés majeurs pour qu’on puisse accorder quelque crédit à de nouvelles prophéties. Il y a donc là de la part de P. Guinard un mauvais procès intenté contre les chercheurs qui relient certains quatrains à certains événements antérieurs aux années 1550. Et de fait, en ce qui concerne les variantes et la possibilité de trancher entre elles ou de proposer telle ou telle leçon, nous ne voyons pas en quoi une telle démarche rétrospective ne se révélerait pas féconde, ce à quoi toute recherche de sources - et pas seulement en Histoire mais aussi en géographie - est susceptible de servir. Quant à la thèse, présentée par P. Lemesurier à la suite de Brind’amour, dans l’article repris sur le Site du CURA, “The Janus hypothesis”, selon laquelle des erreurs auraient pu se glisser du fait de la dictée (dictated aloud), et ce quel que soit l’auteur des quatrains, nous l’avons envisagée favorablement, comme une des explications probables dans certains cas, dans notre récente étude consacrée à 133 variantes (Espace Nostradamus).

   Curieusement, P. Guinard ne s’interdit pas de rechercher des sources aux quatrains et il nous propose, dans son article, de relier, probablement à juste titre, le troisième quatrain de la Centurie Ière avec un passage des Emblèmes d’Alciat, à propos de la “Républicque vexée”. Signalons qu’en 1551, une édition latine des Emblemata était parue chez Macé Bonhomme (Reprint Paris, Klincksieck, Intr. Pierre Laurens, 1997) ; on ne peut exclure un usage divinatoire de cet ouvrage. On notera cependant que l’édition Macé Bonhomme comporte la marque du libraire, ce qui n’est pas le cas dans l’édition contrefaite des Centuries qui lui est attribuée. Dans ce même ordre d’idée, P. Guinard a également raison de signaler le Passetemps de la fortune des dez de Lorenzo Sprito/Laurent L’Esprit, Lyon, Benoist Rigaud, 1585 (BNF Numm 79311), avec 56 oracles par chapitre, dans la dernière partie. Comme nous l’avons exposé plus haut, il ne faut nullement exclure que les Prophéties de Nostradamus comportaient un mode d’emploi de type divinatoire.

   Mais pourquoi refuser alors que l’on se soit servi, pour composer certains quatrains centuriques, de chroniques historiques ou de littérature prophétique, antérieure aux années 1550 tout comme l’on admet, à la suite de Chantal Liaroutzos, qu’il a été fait usage de la Guide des Chemins de France de Charles Estienne ou encore de Plutarque, notamment, comme nous l’avons montré - mais Guinard ne signale que la réponse à ce sujet de R. Benazra sur le même Espace Nostradamus - dans l’Epître à Henri II ?

   Cela dit, nous ne pensons absolument pas que les seuls événements dont on nous fournit une chronique versifiée dans les Centuries appartiennent tous à la période antérieure aux années 1550 et nous ne sommes nullement gênés que P. Guinard relie le quatrain VI, 23 au contexte de 1588 ou qu’il cite opportunément, à propos de “munismes descriées” - lire numismes qui serait, selon P. Guinard, un anagramme voulu par le rédacteur - un possible emprunt à un texte de 157722 car cela ne fait, on s’en doute, qu’apporter de l’eau à notre moulin.

   Rappelons ce quatrain :

D’esprit de regne munismes descriees
Et seront peuples esmeuz contre leur Roy
Faix, faict nouveau sainctes loix empirees
Rapis onc fut en si tresdur arroy.

   C’est d’ailleurs l’interprétation du Janus Gallicus de 1594 comme le précise P. Guinard qui vient, ce faisant, confirmer ou rejoindre l’explication en vigueur au lendemain de tels événements contre, il est vrai, d’autres propositions : “L’interprétation de Chavigny (à laquelle, écrit-il, je n’avais pas prêté attention avant d’entreprendre cette étude) n’a pas été améliorée”.

   Le quatrain en question figure pour 1586 et pour 1588.

   Dans le premier cas, le commentaire du JG (n° 307) ne vaut que pour le seul deuxième verset : “Les Parisiens ne veulent prester aide au Roy contre le Duc de Guise, lesquelles ils disent estre utile au royaume & fidelle protecteur d’iceluy”, et de citer Surius comme source. Et parlant des deux derniers versets il y est précisé : “ces deux versets n’appartiennent pas à ceste année”.

   Dans le second cas, (n° 311), le commentaire est le suivant pour les deux derniers versets : “Nouvel accident, c’est le susdit trouble Parisien. On se plaignait fort alors du mespris des loix & de toute perversion. Depuis les Barricades, PARIS n’a point dormi de bon sommeil”. On notera l’emploi des majuscules pour RAPIS. Le commentaire, soulignons-le, se réfère à un autre quatrain, XII, 55, appartenant à la centurie XII, absente des éditions à 10 centuries, à commencer par l’édition Benoist Rigaud, 1568 mais reprise dans nombre d’éditions du XVIIe siècle, notamment celles paraissant à Troyes. Et qui comporte le commentaire suivant pour son dernier verset : “Tumulte de Paris survenu le 12 de ce mois, appelé les Barricades” :

Tristes conseils, desloyaux, cauteleux
Advis meschant la loy sera trahie
Le peuple esme, farouche, querelleux
Tant bourg que ville toute la paix haie.

   C’est dire que pour Chavigny, le quatrain VI, 23 n’a pas le monopole pour rendre compte du “trouble parisien”.

   Arrêtons-nous sur un propos tenu par P. Guinard dans la rubrique “Documentation Iconographique autour de Nostradamus (7e série, 1545-1604) ” à propos de l’Uranologie de Jean Edouard du Monin, parue en 1583. La légende ne comporte que quelques lignes mais leur densité mérite qu’on les reproduise :

   “Le frontispice de l’Uranologie (1583) s’inspire (sic) de celui attaché aux éditions Benoist Rigaud des Prophéties parues quinze ans auparavant. A la page 175, Du Monin dédie quelques alexandrins à “M. Aimé de Chavigni, grand Astrologue”. Seul “Chevigny”, le secrétaire de Nostradamus, pouvait être dénommé ainsi en 1583, ce qui confirme contrairement aux estimations de Dupèbe, Brind’amour et Halbronn l’identification de Chevigny/Chavigny à Jean Chevignard faite par Bernard Chevignard dans son article décisif de 1996 etc.”

   Il nous paraît d’abord bien imprudent de considérer comme acquis la date de 1568 pour les dites éditions Benoist Rigaud; on pourrait tout aussi bien affirmer l’inverse à savoir que le frontispice a inspiré celui d’éditions des Centuries, parues après 1583 et notamment le premier volet des éditions Héritiers Benoist Rigaud (c 1597). Il est d’ailleurs plus probable que cette vignette soit parue d’abord hors du corpus centurique, pour illustrer idéalement une Uranologie ou le Ciel de Ian Edouard du Monin plutôt qu’elle n’ait été emprunté au dit corpus dont le caractère astronomique est moins affirmé du moins au titre : Les Prophéties de M. Michel Nostradamus. Mais malheureusement pour M. Guinard, on retrouve déjà cette vignette sur l’almanach pour l’an MDLXVI, Lyon, Anthoine Volant & Pierre Brotot, (Osler Library, Montreal) reproduit dans les Cahiers Nostradamus, et qu’il aurait fallu également citer comme référence mieux établie par les temps qui courent. Vignette d’ailleurs mieux accordée à un almanach qu’à une prognostication ou à un recueil de prophéties. Et que dire de cette autre conclusion étonnante concernant l’adresse à Chavigny ? En quel honneur le fait qu’en 1583 la qualité d’astrologue soit associée au nom de Jean-Aimé de Chavigny prouve-t-il que celui-ci ne fait qu’un avec Jean de Chevigny ? De toute façon, cette mention chez Du Monin avait déjà été signalée par Jean Dupèbe.23 A notre connaissance, le savoir de Jean Aimé de Chavigny en matière d’astrologie, notamment dans les Pléiades, est mieux établie que celui associé au nom de Jean de Chevigny. Pourquoi en 1583, Chavigny n’aurait pu déjà disposer de telles connaissances et être réputé comme astrologue, lui qui à l’époque était probablement en train de travailler sur le commentaire des Centuries et des almanachs de Nostradamus - qui allait paraître dans le Janus Gallicus de 1594 mais qui fut certainement rédigé dans les années 1580, s’arrêtant en 1589, sans parler de son édition connue en manuscrit du Recueil des Présages Prosaïques et datée également de 1589, soit six ans après la date “fatidique”, selon Guinard, de 1583 ? Rappelons le passage de l’Uranologie avec un peu plus de précision que ne le fait P. Guinard, le texte figurant en une annexe de l’Uranologie proprement dite, intitulée “Les Etoiles du Ciel” : “Argo (le o étant écrit en grec, oméga), à M. Aimé de Chavigni, grand Astrologue” et le verset le plus significatif : “où nôtre ami commun / Nôtre Fiancé rit du terrestre Neptun”. Il s’agit d’une allusion à Antoine Fiancé auquel Jean Aimé de Chavigny avait consacré en 1582, donc un an avant l’Uranologie, un recueil, Les Larmes et soupirs de Jean Aimé de Chavigny Beaunois sur le trespas très-regretté de M. Antoine Fiancé etc, Paris, E. Prevosteau. Quant aux connaissances astrologiques de ce Chavigny, elles sont attestées au IVe Livre des Pléiades, Lyon, Pierre Rigaud, “contenant un Présage d’un Laurent Miniati etc” (pp. 94 et seq) plus encore qu’aux Ve et VIe Livres déjà cité dans notre étude consacrée au pronostic de Liberati pour 1782. Chavigny y commente savamment des textes astrologiques de Cyprien Leovice (Leovitius), d’Aratus, de Schoner, d’Auger Ferrier - son Chant Pastoral sur l’heureuse naissance de Sa Majesté (1553) en latin, traduit en français par un ami de Chavigny - sorte d’horoscope - mais aussi son traité d’astrologie, les Jugemens astronomiques (Lyon, Jean de Tournes, 1550), plusieurs fois réédités jusqu’en 162524, de Cardan, en ses Aphorismes, de l’ “astrologue ancien” Firmicus (Maternus), Pontanus en son Uranie, et bien sûr de Nostradamus lui-même. Oui, Jean Aimé de Chavigny pouvait tout à fait mériter qu’on l’appelât astrologue et pourquoi pas dès 1583 !

   Ce que, peut-être, Bernard Chevignard - héros de Guinard qui voit en lui un Saint Michel/Georges vainqueur des dragons antinostradamistes - n’a pas assez pris en considération dans le dossier Chevigny/Chavigny25, c’est la façon assez étrange dont le Janus Gallicus nous est offert en 1594 ; on voit Jean Aimé de Chavigny mal à l’aise face à un document qui visiblement lui a été transmis et qu’il va élaguer, compléter, retoucher. Chevignard cite (p. 283) telle note marginale du Recueil des Présages Prosaïques mais comment sait-il que cette note est de Jean Aimé de Chavigny puisque précisément nul ne conteste que celui-ci a récupéré des documents ? Il faudrait pour cela supposer que Jean Aimé de Chavigny est l’auteur de l’intégralité des pièces du Janus Gallicus et du commentaire du Recueil des Présages Prosaïques, ce qui revient à prendre comme base ce qui est précisément en litige. Paradoxalement, Chevignard conclut à tort :

   “Malheureusement, Jean-Aimé de Chavigny a retranché des “extraits” de son Recueil la plupart des références astrologiques de même qu’il n’a pas retenu les considérations météorologiques etc.” (p. 71). Nous avons montré qu’il n’y avait probablement pas eu retranchement mais que ces données devaient avoir été ajoutées lors de la publication. Mais on voit que Chevignard admet que Jean Aimé de Chavigny a pu corriger ce document. Revoyons l’argumentation de Jean Dupèbe26 qui considère que Jean de Chevigny est mort vers 1581. Selon Dupèbe, Aimé “tel est bien, selon nous, son vrai prénom et nous serions tenté de croire qu’après la mort de Jean de Chevigny, il a cherché et réussi à se faire passer pour le disciple de Nostradamus (...) Nous inclinons à penser que ce “Jean” ajouté à “Aimé” (est) un signe de son imposture.” Reste la question de l’âge et dans cette affaire Aimé de Chavigny semble avoir été bien maladroit et s’être trahi, puisqu’en 1582, il publie un recueil à la mémoire de son ami Antoine Fiancé, où il apparaît n’avoir qu’une trentaine d’années comme son ami et non atteindre la cinquantaine comme ce serait le cas pour Jean de Chevigny, né en 1533 ; Jean-Aimé de Chavigny a en gros le même âge que César de Nostredame, il aurait donc été bien jeune pour servir de secrétaire à Michel de Nostredame mort en 1566.27 Si l’on ajoute désormais que Du Monin était l’ami d’Antoine Fiancé et de Jean-Aimé de Chavigny - comme il le dit dans une des pièces que comporte son Uranologie (cf. supra), et qu’il est né en 1559, il n’a donc que 24 ans en 1583 - il sera assassiné en 1586 - la probabilité d’une amitié “commune” entre ces trois hommes ne ferait guère sens avec un tel décalage d’âge, soit un quart de siècle entre Du Monin et Jean Aimé de Chavigny. Si l’on considère en outre que cette amitié a du durer un certain temps, Du Monin devait avoir eu tout au plus une vingtaine d’années en son début et recherché alors des amitiés masculines de son âge et non de celui de son père.

   Quant à P. Brind’amour28, il s’intéresse à certaines discordances sur le plan religieux entre les deux personnages : “là où Chavigny nous peint un catholique exemplaire, les Lettres nous montrent un personnage plutôt favorable, dans le privé, à la religion réformée”. En définitive, le seul argument de Chevignard29 qui pourrait interpeller est une affaire de prénom bien ténue : “Dans une lettre à Nostradamus, ce Jean de Chevigny évoque son “jeune frère” né à Beaune le 20 août 1548 et prénommé Gérard comme leur grand-père : or dans une ville où ce nom était alors relativement rare, Jean Chevignard est lui aussi frère et petit fils d’artisans portant précisément ce prénom”. Le problème, c’est que la lettre en question fait partie d’un recueil manuscrit qui est de la même écriture que le Recueil des Présages Prosaïques et qu’il est tout à fait possible que cette lettre ait été contrefaite ou retouchée par Jean Aimé de Chavigny - comme ce fut le cas pour l’Androgyn - il eut fallu que cette information figurât dans une pièce n’ayant pu figurer parmi celles recueillies par Aimé de Chavigny. Chevignard n’hésite pas30 à utiliser une hypothèse de Dupèbe qui l’arrange : “Dans son édition des Epistres Latines (il) s’interroge sur l’identité du “scribe qui (..) a calligraphié et corrigé les épîtres puis composé le recueil” et suggère avec pertinence qu’il pourrait s’agir de Chevigny. Or, on connaît l’écriture de Chavigny qui, en 1594, recopia pour Henry IV une première version de ses Pléiades I et II “ay le tout escrit & tracé de ma main”. Trente années (sic) séparent ces deux textes : quelques fioritures de jeunesse se sont simplifiées mais les deux manuscrits sont indéniablement de la même main”. Le problème, c’est que nous pensons que ce n’est pas Jean de Chevigny mais bien Jean Aimé de Chavigny dont nous avons le manuscrit de Epistres Latines.

   D’ailleurs, l’écart d’âge entre les deux frères nous semble assez considérable, à savoir une quinzaine d’années ; en revanche, si Aimé de Chavigny est bien né vers 1550, il serait tout à fait vraisemblable. Au demeurant, les deux personnages ont fort bien pu se fréquenter, voire se connaître, peut-être même étaient-ils parents, d’où la similitude de leur patronyme et d’ailleurs comment, autrement, Aimé de Chavigny, eut-il pu se trouver en possession de toutes ces archives ?

   Décidément, P. Guinard traite Crespin d’imposteur, alors que celui-ci n’a jamais prétendu se faire passer pour quelqu’un d’autre mais seulement revendiqué, à tort ou à raison, une filiation en quelque sorte professionnelle en se faisant appeler Crespin Nostradamus puis Archidamus -imposture d’autant plus excusable que Nostradamus n’était de toute façon pas l’auteur des Centuries - mais ne veut pas voir une imposture cent fois plus grossière de la part de Jean-Aimé de Chavigny ! Ajoutons que l’imposture de Jean Aimé de Chavigny n’enlève rien à l’importance qui peut avoir été la sienne, pas plus que celle de Crespin, d’ailleurs, ce sont deux personnages incontournables pour les études nostradamiques et qui nous éclairent notamment (cf. supra) sur le mode d’emploi des Centuries.

   Nous apprécions, par ailleurs, que P. Guinard considère certaine édition de la Pronostication Nouvelle pour 1562 pour une contrefaçon, à propos de I, 35 : “César de Nostradamus ne cite pas le quatrième vers du quatrain, “suppléé” par la fameuse allusion au grain d’orge. Cette supposée allusion à Gabriel de Lorges (comte de Montgomery) est une spéculation initiale de Chavigny d’après l’almanach pour 1552 de Nostradamus. Elle aurait été reprise dans la préface à Jean de Vauzelles de la Pronostication pour 1562, probablement fabriqué après la publication du Janus Gallicus”, ce point de vue prolonge celui que nous avions exposé l’Eté dernier, dans notre réponse aux études parues sur le n° 26 du CURA.

   Mais revenons en à VI, 23, qui donne son titre à l’étude de P. Guinard. On observera que ce quatrain appartient à une centurie inconnue au début des années 1570 d’Antoine Crespin, qu’elle n’appartient donc pas au premier train de Centuries, qui n’en comportait que six et par la suite une addition de 39 articles. On n’en a pas d’attestation avant... 1588, si l’on laisse de côté bien entendu l’édition contestée Benoist Rigaud 1568. Qu’écrit P. Guinard : “L’auteur du quatrain nous convie à suivre l’escalade conduisant à l’anarchie unique dans leur (sic) histoire, qui a sévi en France et en particulier à Paris, à la fin des années 80 et au début des années 90. Le pays n’est plus gouverné; meurtres et forfaits se succèdent (sainctes loix empirées). Le chef de la Ligue Henry surnommé le Balafré, 3e duc de Guise, est assassiné à Blois le 23 décembre 1588 sur ordre de Henry III, lequel à son tour est poignardé à Saint Cloud, par le moine dominicain Jacques Clément le Ier août 1589.” Gageons que VI, 23 ait été rédigé au cours de l’année 1588 et apparemment avant l’exécution du duc de Guise : le lecteur verrait ainsi en lisant ce quatrain supposé avoir été rédigé bien avant que les événements en cours avaient ainsi été annoncés tout comme il pourrait constater - ce qui était assez facile à prévoir - que cela n’était pas fini. C’est ainsi que l’on forge une réputation de prophète ou qu’en tout cas on la consolide.

   On nous objectera peut-être que la Centurie VI n’avait pas attendu 1588 pour paraître et qu’il conviendrait de la placer au plus tard en 1585, quand Du Verdier signale une édition à dix centuries de quatrains, dans sa Bibliothèque, Lyon, B. Honorat. Certes, mais que sait-on du contenu à cette date de la Centurie VI ? Strictement rien. On peut donc tout à fait admettre - et le commentaire de P. Guinard nous y encourage, même si ce n’était probablement pas dans son intention - que le dit quatrain fut retouché ou plus simplement encore remplacé dans les éditions de 1588 qui nous sont conservées. Cela dit, nous ne saurions nous précipiter sur l’interprétation proposée de ce quatrain, quand bien même cela nous arrangerait-il car il est loin d’être aussi explicite que d’autres que nous avons signalés. Mais dont acte, pourquoi pas ?

   Revenons à nouveau sur les légendes que P. Guinard propose dans sa “Documentation Iconographique Autour de Nostradamus” (DIAN). Il s’agit cette fois de celle concernant Raphaël du Petit Val, à propos du Premier Recueil de diverses poésies de feu sieur de Sponde, Rouen, 1604. Voilà le commentaire de Guinard : “Le poète Jean de Sponde aurait aussi écrit contre Nostradamus (...) ce qui autorise à émettre de sérieuses réserves quant à la fiabilité des éditions des “grandes et merveilleuses prédictions” (sic) parues chez Raphaël du Petit Val en 1588 et 1589, à Rouen, ville acquise à la Ligue”. Dans ces conditions, il faudrait exprimer des réserves sur Benoist Rigaud qui en 1595 publia le Discours de la vérité des causes et effects des décadences (..) des Monarchies etc de Claude Duret très critique sur les prophéties.31

   Nous voudrions rappeler que s’il nous est arrivé d’accorder de l’importance au contenu des quatrains centuriques, nous n’avons jamais pensé que le décryptage contextuel d’un quatrain constituait une preuve marquante ; notre argumentation ne s’articule pas sur de telles considérations qui ne viendraient que l’illustre en aval. L’essentiel de notre analyse du corpus nostradamique se situe ailleurs, dans la mise en évidence de contrefaçons par l’étude comparative des éditions et par les témoignages qu’on en connaît. Arrêtons à ce propos sur un dernier passage de l’article de Guinard :

   “C’est l’époque (1588) où paraissent les éditions parisiennes tronquées des Prophéties du Salonais et que sont introduits vraisemblablement les essais de diversion de l’imposteur Antoine Crespin”. Or, Crespin avait publié ses Prophéties à la Puissance Divine dès 1572 et c’est d’ailleurs pour cela que son témoignage compte tant : en 1572, le quatrain VI, 23 n’était pas encore né ! A propos des éditions parisiennes, P. Guinard revient sur le fait qu’il faut lire Roffet et non Rosset ; or, nous avions déjà reproduit la marque du libraire en majuscules, sur Espace Nostradamus.

   Mais où, donc, finalement, veut-en venir Patrice Guinard ? A montrer, semble-t-il que Nostradamus a pu prophétiser avec précision cet événement “imprévisible” que furent les troubles de la Ligue. Bien sûr, la date n’a pas été donnée alors que d’autres astrologues ont bel et bien avancé que quelque chose de grave se produirait en 1588, comme Guinard le rappelle.32 Alors pourquoi pas, en effet, un tel pronostic ne se trouverait pas aussi dans les quatrains centuriques ? Oui, mais la précision du quatrain nous semble aller au delà du pronostic proprement astrologique, qui n’est, quant à lui, marquant que par la mention de la date. M. Guinard ne semble pas avoir compris les raisons de la très grande réticence de la part de P. Brind’amour à connecter le moindre quatrain avec un événement postérieur à 1555; c’est que le chercheur québécois savait pertinemment que cela ne pourrait conduire à terme qu’à postdater les Centuries ou du moins certains quatrains et si certains quatrains sont tardifs, les éditions qui les comportent le seront ipso facto. M. Guinard joue ainsi à quitte ou double : soit Nostradamus ou du moins ceux qui ont composé les Centuries en général et ce quatrain en particulier est prophète, soit le quatrain VI, 23 dont il s’agit fut composé post eventum ou plutôt au cours des événements.

   Guinard va même jusqu’à fixer un impératif exégétique qui n’est pourtant nullement respecté dans le Janus Gallicus lequel pourtant commentait VI, 23 dans son sens : “Il n’est qu’une “méthode” objective : expliquer le quatrain, tout le quatrain, rien que le quatrain, sans préjugé sur la période concernée, passée, présente ou future”. Nous avons exposé plus haut que le quatrain ne constituait pas nécessairement un ensemble d’un seul tenant. Comme dit d’ailleurs Guinard : “Le rationaliste affirme que Nostradamus “veut dire” exactement ce qu’il dit, et rien que ce qu’il dit. Mais le problème est qu’on ne sait pas ce qu’il dit”. P. Guinard semble sous-estimer la difficulté de la tâche ainsi présentée et l’on risque fort d’aboutir à un complet blocage, à un immobilisme, de l’exégèse, chacun contestant à l’autre ses interprétations parce que n’épuisant pas le quatrain concerné. Il vaudrait mieux, tout au contraire, extraire d’un quatrain un verset significatif : la mention de Saint Quentin est-elle indifférente dans un quatrain, quand bien même ne saurait-on relier tout le quatrain à celle-ci ? Guinard cherche là un prétexte pour rejeter les interprétations qui ne lui siéront point, ce qui est une forme de sauvegarde du patrimoine nostradamique tout comme l’est tout autant, paradoxalement, la mise en relation d’un quatrain avec un événement antérieur aux années 1550 (cf. infra). A vouloir tout expliquer dans un quatrain au moyen d’une seule clef, c’est là précisément que l’on condamne les exégètes à toutes sortes de gesticulations. Cela nous fait penser à Gruber qui nous reprochait dans notre étude de IV, 46 sur Garde toi Tours de ta proche ruine de ne pas avoir connecté avec les autres versets. Mais on pourrait se demander si le célèbre quatrain “Sénat de Londres” mis en rapport, immédiatement après les événements tragiques d’Angleterre de 1648 par les commentateurs, aurait du être rejeté parce que tel verset du quatrain ne faisait pas l’affaire ; il nous semble bel et bien, en vérité, que le verset soit plus que le quatrain une unité de sens. Il y a certes quelques exceptions comme les deux quatrains consacrés, à la fin de la Centurie VII incomplète, à Mazarin (Nirazam) et où chaque verset est transparent mais c’est bien là justement un quatrain réalisé en pleine Fronde comme d’autres le furent en pleine Ligue. Tout nous conduit à penser que la façon dont on s’intéressait à tel quatrain soit pour le mettre en exergue mais aussi pour le censurer ne tenait point à une exégèse subtil qui aurait soupesé chaque mot du dit quatrain mais bien à la présence même fugitive d’une formule frappante tenant en un verset. Même le quatrain I, 35 consacré à la mort d’Henri II n’est, comme le note P. Guinard - comme nous l’avions fait avant lui - cité par César de Nostradamus que pour ses trois premiers versets, par son fils César. Et si par la suite, c’est la totalité du quatrain qui sera citée, cela tiendra, au milieu du XVIIe siècle, à ce que l’on aura retouché le quatrième verset, remplaçant “classes” par “playes”. Voilà à quoi peut conduire un excès de zèle exégétique : l’enfer n’est-il point pavé de bonnes intentions ?

   Pour notre part, nous pensons qu’il existe bel et bien deux types de quatrains ou de versets : ceux qui reprennent un événement connu et qui y font allusion et ceux qui combinent une suite d’oracles sans savoir à quoi cela va correspondre ; le premier groupe traite du passé, le second du futur, puisque chacun sait que les hommes ne parlent pas de la même façon de l’un que de l’autre et qu’en écoutant quelqu’un, on fait aussitôt la différence et pas seulement sur le plan grammatical. En cela, les Centuries sont bien l’expression de la problématique du Janus. Mais dans le cas de VI, 23, nous avons bel et bien affaire non pas à un quatrain qui parle du futur mais bien à un quatrain qui est concerné par un passé probablement très récent et en fait par un présent ou un futur déjà en gestation car, quand nous vivons des heures graves, passé, présent et futur ont la même tonalité.

   Revenons sur un passage de l’article anglais de P. Lemesurier, reproduit dans la même livraison que l’article sur VI, 23 où l’on se demande quelle source a pu être utilisée pour la composition de certains quatrains qui traiteraient d’événements datant des XIe-XIIe siècles, à savoir les éruptions volcaniques dans le sud de l’Italie : “But how could Nostradamus have known all this ? There seemed to be little or no published literature on these events that was available to him at the time.” Il faudrait se demander à quelle date ces informations devinrent accessible, ce qui pourrait contribuer à la datation des quatrains concernés et par voie de conséquences des éditions les comprenant. Car il conviendrait de se rendre compte que ce qui compte, ce n’est point tant la date d’un événement passé que celle de l’ouvrage qui le relate.

   En réalité, la Janus hypothesis - ce que semble ne pas avoir compris P. Guinard - n’a pas tant été initialement conçue pour faire de Nostradamus ou de ceux qui composent en son nom un “historien” mais bien pour éviter que l’on postdate les éditions : face à un quatrain qui aurait pu être qualifié de post eventum, le jeu consiste à rechercher un événement pouvant également coller mais antérieur aux années 1550, ce qui était, apparemment, considéré comme un moindre mal, comme une manoeuvre de sauvegarde. P. Guinard, par son article, brise une certaine loi du silence, un profil bas, au moment même où la prudence serait plus que jamais de rigueur, étant donné l’activité effrénée de certains esprits “mal intentionnés” comme le signataire de ces lignes. Il ne saisit pas que la seule façon de préserver la paternité de Nostradamus sur les Centuries est de renoncer aux chimères prophétiques. D’ailleurs, un tel repli tactique aura porté ses fruits et il est devenu incontestable, comme nous l’avons dit à propos de IV, 54, que les Prophéties n’étaient pas censées avoir été autre chose suivant en cela Lemesurier, qu’une compilation réalisée par Nostradamus, apparaissant comme éditeur - au sens de celui qui fait l’éditorial - et tout au plus comme versificateur voire comme lui-même interprète. Il faut se faire une raison, la thèse d’un Nostradamus composant ses mille quatrains dans l’inspiration, donc sans compilation, sans sources à recopier ou à remanier bat de l’aile et ce à divers titres mais la conclusion est toujours la même, chez Lemesurier, comme chez Halbronn : on a affaire à un travail collectif, échelonné dans le temps quant à ses éléments constitutifs, au sein duquel la contribution originale de Michel de Nostredame reste bien difficile à déterminer.

   Il conviendrait enfin de s’entendre sur ce qu’on appelle un historien. M. Guinard semble en avoir une idée bien scolaire, l’historien étant celui qui sait et il nous assène, au cours de son article, la preuve qu’il a appris sa leçon sur la période de la Ligue, comme nous l’avions suggéré, peut-être à la lecture du livre de Janine Garrison, Catherine de Médicis. L’impossible harmonie (Paris, Payot, 2002) dans lequel l’on trouve (p. 53) littéralement - ce n’est pas la traduction de Vanki33 la même traduction française du texte latin/allemand attribué à Regiomontanus : “Mille ans passés après que la Vierge enfanta / Quand cinq cents autres ans se seront écoulés etc.” Cette historienne ne néglige d’ailleurs pas Nostradamus. “De plus, Catherine est hantée par l’une des centuries de Nostradamus, tirée du recueil publié à Lyon en 1555 (sic) et qui connaît un succès considérable à la cour gourmande de prédiction et de divination. Catherine en sait par coeur (sic) le texte (....) Se peut-il que ce quatrain, pour le moins obscur, annonce la mort du roi lors d’un tournoi quand son adversaire lui crèvera un oeil avec sa lance malgré la visière du casque d’or.” (pp. 44-45). Voilà comment l’incurie des nostradamologues alimente le propos des historiens patentés ! Signalons à toutes fins utiles ce passage (p. 35) : Catherine “suit les conseils des astrologues, en particulier ceux du célèbre Nostradamus qu’elle convoque en grand secret en 1542”, sans autre explication.

   En tout état de cause, les centuries ne se veulent pas oeuvre d’historien du seul fait qu’elles relatent des événements du passé mais il faut avoir un bagage historique - ce qui ne signifie pas pour autant que l’on devienne ipso facto historien - pour décoder un certain nombre de quatrains tant prophétisme et histoire ont partie liée. Un historien, stricto sensu, est celui qui est capable de reconstituer le passé à partir de documents, de traces, de recoupements et qui domine son sujet en étant en mesure de replacer chaque pièce à sa juste place et force est de constater que de ce point de vue, P. Guinard ne nous convainc guère comme pour son “Iconographie commentée des Prophéties de Nostradamus” (Cura.free.fr), truffée de poncifs chronologiques éculés, incapable de faire la part de tous les accidents qui peuvent survenir au cours de la genèse d’une somme aussi complexe et hétérogène que le sont les Centuries et également incapable de suivre les raisonnements diachroniques proposés par d’autres chercheurs. Attitude d’autant plus fâcheuse quand on s’efforce de mettre un certain pouvoir médiatique - à savoir un site ayant un certain rayonnement - au service de positions rétrogrades. Etre historien, c’est faire la part du hasard, de l’arbitraire, de l’erreur, du faux, quand bien même par la suite, après coup, le résultat pourrait sembler devoir s’imposer.

   L’idée d’unicité est une approche parfaitement stérile quand on aborde le corpus nostradamique : il n’y a ni unicité d’auteur - arrêtons les Nostradamus par ci, Nostradamus par là ! - ni unicité de temps quant à la période rédactionnelle - arrêtons avec la légende de la parution intégrale des Centuries du vivant de Nostradamus ! - ni unicité d’inspiration - il faut faire la part des conflits religieux et de leur instrumentalisation des Centuries - et il revient à l’historien précisément de déconstruire le syncrétisme - et le problème se pose tout autant pour le canon astrologique - du canon nostradamique pour en faire apparaître les clivages internes comme cela a été fait, depuis le XVIIe siècle34 pour la critique biblique, sujet pourtant autrement sensible. Selon P. Guinard, “une formation en histoire n’est pas suffisante pour entreprendre l’étude des Prophéties : elle requiert aussi une solide formation littéraire, linguistique, prosodique, rhétorique”. Certes. Il reste que le structuralisme a fait beaucoup de dégâts en France et certains élevés au biberon dans ce contexte en sont encore à revendiquer une cohérence interne synchronique face à un savoir constitué et institué, où chaque pièce aurait sa raison d’être et où tout est bon, comme dans le cochon et rien n’est à jeter. La recherche dans le champ ésotérique est malade de structuralisme et est parvenue à un degré inquiétant de constipation. Il est vraiment étonnant que P. Guinard, après la brillante interprétation de VI, 23 qu’il nous a donné, mais qui ne fait que recouper sinon paraphraser le commentaire du Janus Gallicus, n’en tire pas toutes les conséquences quant à la date de composition de ce quatrain alors qu’il a tous les éléments pour le faire si bien que la montagne accouche d’une souris, non pas que ce quatrain en lui-même soit déterminant - un Edgar Leoni, non cité par Guinard, par exemple, n’établit pas un tel lien35 - il ne le devient que du fait qu’à l’époque à laquelle P. Guinard le situe, il y avait un pic dans la production centurique, comme l’a noté Chomarat, ainsi qu’un état chaotique des éditions : ce pic était-il du justement à la pertinence de quatrains comme VI, 23 ou bien ce pic nous explique-t-il pourquoi il était impératif que les Centuries comportassent un tel quatrain et qu’on fît ce qu’il fallait pour ? En fait, le véritable apport de P. Guinard, jusqu’à présent, aux études nostradamiques, pourrait avoir été ce qu’il a trouvé dans les Emblèmes d’Alciat, à savoir cet emprunt probable de I, 3 au commentaire de l’Espérance (en latin Spes) - on notera d’ailleurs une terminologie assez proche de celle du Tarot (La Force, la Tempérance, la Justice) - lequel commentaire ne devant d’ailleurs rien à l’Italien Alciat mais au Français Barthélémy Aneau, à savoir cette “République vexée” et qui n’a plus que l’espoir pour survivre. Qui ne voit qu’ici on aura voulu faire de Nostradamus - censé publier en 1555 à la suite de son Epître à César - le prophète des guerres de religion qui feront très vite suite à la mort accidentelle en 1559 d’Henri II. Et ce dès le troisième quatrain de la première centurie, en fait le premier, comme le note P. Guinard, si l’on met à part les deux premiers qui n’ont pas de vocation prédictive spécifique.

Quand la lictière du tourbillon versée
Et feront face de leurs manteaux couverts
La république par gens nouveaux vexée
Lors blancs & rouges iugeront à l’envers.

   Texte qui ne prend d’ailleurs tout son sens qu’en lisant le commentaire d’Aneau de 1549, s’articulant sur la vignette d’un navire menacé par la tempête, qui n’est pas sans évoquer le blason de la ville de Paris (fluctuat nec mergitur) :

   “Nef agitée de tourments : une République vexée ; (des) feux apparaissent en tourmente signifient salut prochain etc.”

   Signalons un autre passage du même ouvrage qui pourrait avoir son intérêt, la mention en majuscules de PLUS OULTRE, toujours à propos de l’Espérance (p. 72) : “De bien en mieulx (...) Qu’espérance / Ne tire arrière mais PLUS OULTRE s’advance” Avec ce commentaire : “L’empereur Charles le quint sur la sentence de sa devise PLUS OULTRE. Donnant à entendre qu’il faut toujours procéder de bien en mieulx”. Or, on trouve cette devise assez insolite dans la mesure où elle est celle de l’adversaire des rois de France, dans les quatrains centuriques36 notamment en IX, 27 :

   “Passant plus outre du Duc le droit confin” (voir aussi V, 3 et VI, 70)

   Filon au demeurant assez maigre !

   Le problème, pour P. Guinard, c’est qu’un tel emprunt à Aneau ne serait guère compatible avec l’image qu’il veut nous faire accepter d’un Nostradamus prophète inspiré et non pas recopiant laborieusement - et les ajustant certes en orfèvre - des bribes de livres de sa fameuse bibliothèque, ouverts au hasard, ce qui a pu être le cas pour la fabrication des Présages ; qui sait si Michel de Nostredame n’aurait pas légué un manuel de recettes pour concocter - et consommer - des prophéties et non pas seulement des confitures ? Décidément, les contraintes universitaires impliquant la recherche des sources et des contextes semblent bel et bien en contradiction avec la volonté de fonder un culte autour de Michel de Nostredame qui n’en demandait d’ailleurs pas tant.

Jacques Halbronn
Paris, le 5 avril 2004

Notes

1 Cf. notre étude sur “Les exégètes de Nostradamus au XVIIe siècle”. Retour

2 Cf. I. Wilson, Nostradamus. The evidence, op. cit., p. 348, qui ne signale que la forme Nizaram ! Retour

3 Cf. RCN, Bibliographie Nostradamus. Retour

4 Cf. notre étude sur Postel, Espace Nostradamus. Retour

5 Cf. Antoine du Rosne, 1557, Bib Budapest. Retour

6 Cf. RCN, p. 263. Retour

7 Cf. notre étude sur la septième centurie, sur Espace Nostradamus. Retour

8 Cf. Mazarine, 372541. Voir RCN, pp 141 - 142. Retour

9 Cf. RCN, p. 140 - 144. Retour

10 Cf. notre article sur Espace Nostradamus. Retour

11 Cf. RCN, pp. 290 et 300. Retour

12 Cf. RCN, p. 340 et 343. Retour

13 Cf. RCN, pp. 172 - 173 et 325 et seq. Retour

14 Cf. BNF YE 28645. Retour

15 Cf. “Documentation Iconographique Autour de Nostradamus”, 7e série 1545-1604, Cura.free.fr. Retour

16 Cf. RCN, p. 337. Retour

17 Document numérisé BNF Cote NUMM 70320. Retour

18 Cf. Baudrier, Bibliographie Lyonnaise. Recherches sur les imprimeurs, libraires, relieurs et fondeurs de lettres de Lyon au XVIe siècle, tome I, Reed. Paris, 1964, pp. 358 - 360. Retour

19 Cf. E. Leoni, Nostradamus Life and Literature, New York, 1961 devenu Nostradamus and His Prophecies, New York, 1982, p. 47. Retour

20 Voir Analyse 101 dans Espace Nostradamus. Retour

21 Cf. notre Texte prophétique en France, formation et fortune, Thèse d’Etat Paris X, 1999. Retour

22 Cf. Ordonnance du Roy sur le descry des Monnayes de billon estrangères, Lyon, Michel Jove & Jehan Pillehotte. Retour

23 Cf. Lettres Inédites, Genève, Droz, 1983, p. 23. Retour

24 Cf. notre étude sur Ferrier, Cura.free.fr. Retour

25 Cf. Présages de Nostradamus, op. cit., pp 54 et seq. Retour

26 Cf. Ed. Lettres Inédites, Genève, Droz, 1983, pp. 21 et seq. Retour

27 Cf. Dupèbe, Lettres Inédites, op. cit., p. 23 et B. Chevignard, Présages de Nostradamus, op. cit. p. 58. Retour

28 Cf. Ed. Nostradamus, Les premières centuries et prophéties, Genève, Droz, 1996, pp LXII et seq. Retour

29 Cf. Présages de Nostradamus, op. cit., p. 56. Retour

30 Cf. “Jean-Aimé de Chavigny : son identité, ses origines familiales”, Bibliothèque d’Humanisme et Renaissance, LVIII, 1996, 2, pp. 421 - 422. Retour

31 Cf. notre article dans Encyclopaedia Hermetica, rubrique Astrologica. Retour

32 Cf. sur ce sujet notre Texte Prophétique en France et notre article “Exégèse prophétique de la Révolution Française”, dans Politica Hermetica, Paris, 1994. Retour

33 Cf. Histoire de l’astrologie, Paris, Chacornac, 1906, pp. 69-70. Retour

34 Cf. Le Grand Siècle et la Bible, dir. J. R. Armogathe, Paris, Beauchesne, 1989. Retour

35 Cf. Nostradamus and his Prophecies, New York, 1961, reed. 1982, p. 660. Retour

36 Cf. M. Dufresne, Dictionnaire Nostradamus, Ottawa, JCL Editions, 1989. Retour



 

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