Après s’être perfectionné par la pratique de la « pharmaceutrie », Nostradamus se dirige à l’automne 1529 à vers Montpellier afin de reprendre ses études de médecine, qu’il avait interrompu cinq ans auparavant. Il est alors âgé de 26 ans.

Un médecin à Montpellier
(1529 - 1533)


    Selon l’usage, dès son arrivée à la Faculté de Montpellier, le 3 octobre 1529, « Michelet de Nostre-Dame » se présente au Procurateur des Etudiants, Guillaume Rondelet, afin d’être inscrit dans le Registre du Procurateur des Etudiants.

   Ce registre est conservé précieusement par la Bibliothèque Interuniversitaire de Montpellier et relate par le détail tous les événements de la vie étudiante du 26 mars 1526 au 15 décembre 1535.

La seconde inscription de Nostradamus à Montpellier

   Lors de cette inscription à la Faculté de Médecine, un événement exceptionnel va se produire : la main rageuse de Guillaume Rondelet raye du registre universitaire l’inscription de Nostradamus et exprime dans une note marginale son opinion sur le nouvel étudiant :

   « Celui que tu vois inscrit ici a été apothicaire. Nous avons été renseigné par un apothicaire de cette ville, et on l’a entendu dire du mal des docteurs. C’est pourquoi, moi, Guillaume Rondelet, comme procurateur des étudiants, je le raye de ce recueil. »

   Il est vrai que Nostradamus n’a jamais caché cette fonction d’apothicaire qu’il revendiquait, avant même qu’il entame ses études de médecine, confirmée d’ailleurs dans son Traité des Fardements et Confitures.

   On peut expliquer cette intervention exceptionnelle du Procurateur des Etudiants par le fait que Michel, titulaire du Baccalauréat en Médecine, exerçait en plus un fonction d’apothicaire, deux professions ayant chacune ses règles. Un simple étudiant Maître ès Arts, qui débutait des études de médecine, ne se serait pas vu infliger une telle humiliation. C’est un argument en faveur de notre hypothèse selon laquelle Michel commença bien ses études médicales à Montpellier en 1521.

La troisième inscription de Nostradamus à Montpellier

   Michel de Nostredame fut quand même reçu comme étudiant à la Faculté de Médecine de Montpellier puisque nous le trouvons inscrit dans le registre des Matricules de l’Université. En effet, vingt jours plus tard, le 23 octobre 1529, il est reçu par Antoine Romier qui le fait inscrire dans le Registre d’immatriculation des étudiants sous le matricule n° 943.

   Après avoir acquitté le paiement des droits d'inscription. Michel se rendait chez le Chancelier, et il dut établir qu’il était né de légitime mariage, qu’il avait vingt-deux ans accomplis, qu’il professait la religion catholique et qu’il n’avait jamais travaillé à quelque art manuel.

   Une catégorie d'élèves était systématiquement écartée de l'Université, ceux qui avaient auparavant exercé un art manuel comme celui de barbier (chirurgien) ou d'apothicaire (pharmacien).

   C’est ainsi que le 23 octobre 1529 que « Micheletus de Nostra Domina » inscrit son nom sur le Registre d’Immatriculation des Etudiants ; la déclaration est rédigée de sa propre main :

   « Michel de Nostredame, de la nation de Provence, de la ville de Saint-Rémy, du diocèse d’Avignon, est venu étudier à l’Université de Montpellier, dont il jure de respecter les statuts. Il a acquitté les droits d’inscription et il choisi Antoine Romier comme patron, le 23 octobre 1529. »

   Le 23 novembre 1529, il fut décidé l’installation d’un Théâtre d’anatomie : une table de pierre pour les dissections, une chaire en pierre également pour le professeur et un banc pour les élèves. Le Livre du procurateur des Etudiants enregistre quatre anatomies pour l’année 1529, deux pour 1530, trois pour 1531, cinq pour 1532, trois pour 1533 et cinq pour 1534.

   D’ordinaire, le corps d’un supplicié servait aux expériences anatomiques. On réclamait aussi le corps des suicidés et des personnes inconnues. Mais il était fort malaisé de se procurer ces corps. On comprend que dans ces conditions, les élèves aient cherché à se procurer clandestinement des cadavres. Un peu partout, des écoliers hardis allaient voler à main armée des cadavres au gibet de Montfaucon, voire dans les cimetières, à l'instar du fameux Vésale.

   Félix Platter, originaire de Bâle, qui suivit les cours de l’Université de Montpellier de 1552 à 1556, nous a laissé le récit pittoresque de sa vie d’étudiant. Il nous raconte notamment comment se déroulaient ces expéditions nocturnes au cours desquelles il alla avec ses camarades déterrer les corps fraîchement inhumés dans le cimetière du couvent Saint-Denis hors de la ville. Une tradition pittoresque nous montre d'ailleurs Nostradamus soudoyant le bourreau et venant, à la tête de deux ou trois camarades résolus, détacher du gibet, à la brume, les corps de suppliciés pour pouvoir parfaire ses connaissances anatomiques.

   A cette époque, ces démonstrations étaient publiques. Outres les étudiants, il y avait dans l’assistance beaucoup de personnes de la noblesse et de la bourgeoisie, y compris des femmes, bien qu’on fit l’autopsie d’un homme. Même les moines y assistaient. En quelque sorte, on allait à une dissection, comme on assiste aujourd’hui aux cours d'un conférencier à la mode. Dans ces séances de dissection, seul le barbier maniait le scalpel, en suivant les prescriptions du professeur.

   Combien de temps s’écoulait entre le baccalauréat et la licence, entre la licence et le doctorat ? Deux ans minimum. Au total, il n’était guère possible que les études médicales prennent moins de cinq années, et à l’ordinaire, elles en prenaient sept.

Le doctorat en médecine

   Une fois reçu, le nouveau bachelier en médecine ne pouvait se présenter à la licence et au doctorat qu’après avoir fait des leçons publiques.

   L’aspirant à la licence devait justifier cinq années d’études médicales (l’année scolaire était évaluée à raison de huit mois), s’il était Maître es Arts.

   Pour obtenir la licence de médecine, Michel avait à faire trois cours préliminaires consistant en des commentaires portant sur les textes médicaux, et qui avaient lieu en présence de ses camarades étudiants en médecine.

   Chaque mercredi, durant tous les trois mois du « petit ordinaire » (qui allait du lundi de Quasimodo à la St-Jean, le 24 juillet), Michel fit un cours sur un texte choisi par le Doyen.

   Ensuite, il était admis à se présenter à l’examen proprement dit de la licence. Celui-ci consistait en quatre épreuves dites per intentionem, c’est-à-dire avec l’intention de parvenir à la licence, afin de se présenter ensuite au doctorat.

   Les quatre épreuves duraient une semaine, à raison d’une épreuve tous les deux jours.

   Nostradamus subit ainsi quatre thèses successivement de deux en deux jours. Le futur licencié versait, comme il se devait, quelque argent à chacun de ses juges, et leur fournissait, en plus, une bonne bouteille de vin blanc.

   Enfin, huit jours après le dernier examen, le candidat à la licence devait passer ce que l'on appela les « points rigoureux », qui étaient des interrogations sur des textes précis. L’étudiant avait une journée pour réviser et consulter des livres mis à sa disposition par le doyen.

   Le lendemain après-midi, à la chapelle St-Michel de l’église Notre-Dame-des-Tables, il soutint ses deux thèses en présence des seuls professeurs.

   Le jour de la discussion des Points rigoureux, Michel devait donner, bien évidemment, une certaine somme d’argent à chaque professeur, puis offrir le dîner auquel la Faculté avait droit, quand elle menait le futur licencié à l’Evêché. C’était l’usage de faire distribuer du vin et des gâteaux, pour être agréable aux juges ! Il fallait donc avoir une bourse bien garnie, quand on souhaitait aborder des études médicales, et le père du futur Nostradamus en fera d'ailleurs la remarque dans son testament !

   Une fois admis à tous ces examens, le candidat était conduit au palais épiscopal, dans la semaine, afin de recevoir sa « Lettre de licence » des mains de l’évêque de Maguelone, conservateur des privilèges de l'Ecole de Médecine, en présence des professeurs délégués par la Faculté.

   Le nouveau licencié était autorisé à passer les épreuves du doctorat avec les Triduanes, c’est-à-dire six autres examens qui avaient lieu, comme le mot l’indique, pendant trois jours, matin et soir ; chacun de ces six examens durait au moins une heure.

   Le candidat, ayant recueilli les suffrages des deux tiers des professeurs au moins, était admis au doctorat.

   Virtuellement, Michel pouvoir se dire docteur. Il ne lui restait qu’à voir son actus triumphalis s’accomplir, comme on disait : le candidat était admis au Doctorat à l’occasion d’une fastueuse cérémonie publique qui avait lieu dans la paroisse St-Firmin.

   On délivra à Nostradamus les insignes du grade suprême et il endossa la robe d’apparat. Puis on le coiffa du bonnet carré de drap noir surmonté d’une houppe de soie cramoisie ; on lui passa au doigt l’anneau d’or, le ceignit de la ceinture dorée et l’étole à bandes d’hermine. Après lui avoir remis solennellement le livre d’Hippocrate, le jeune docteur prêta serment.

   Après une cérémonie épuisante physiquement, le nouveau docteur va devoir fêter sa promotion suivant l’usage et inviter maîtres et camarades dans la meilleur auberge de Montpellier.

   Tout cela donne une idée approximative de la dépense qu’occasionnait une réception de doctorat.

   On a souvent posé la question sur les rapports entre François Rabelais et Michel Nostradamus. Nous savons que l'auteur de Gargantua s’inscrivit à la Faculté de Médecine de cette ville au mois de septembre 1530. Les deux hommes se sont vraisemblablement rencontré puisqu’ils étaient au même moment à la Faculté de Médecine de Montpellier.

   Vers 1690, Eustache Le Noble a d'ailleurs imaginé un curieux dialogue entre Nostradamus et Rabelais, publié quelques années plus tard : les deux hommes se rencontrent chez les morts et s’interrogent sur leur existence respective !

   A l’instar des étudiants qui obtenaient leurs diplômes, Michel quitta Montpellier. Il se tourna vers une région qu’il connaissait bien : le pays de la Garonne.

   C'est certainement de cette période que date la traduction française d’un opuscule de Galien que Nostradamus publiera plus tard, en 1557, la Paraphrase de C. Galen, sus l’exortation de Menodote, aux estudes de bonnes Arts, mesmement Medicine : il devait s'agir de son sujet de thèse principale pour l’obtention de son doctorat.

   Dans la notice qui précède cette oeuvre médicale, Nostradamus cite plusieurs médecins, de « savants personnages » issus de « la parfaicte Faculté de médecine » de Montpellier, et dont il a obtenu un avis critique favorable pour l'élaboration de sa thèse.

 

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